dimanche 23 novembre 2008

La foi évangélique et l’homosexualité

Un discours prononcé par le Dr Ralph Blair,
fondateur d’Evangelicals Concerned, Inc.,
au Princeton Theological Seminary
21 mars 2003

Voici ce qui est si évident à première vue : parmi tous les chrétiens, il se peut que les Evangéliques aient le plus de difficultés à intégrer n’importe quelle expression de l’homosexualité avec la foi chrétienne. Mais voici ce qui n’est pas si immédiatement évident : parmi tous les chrétiens, les Evangéliques devraient avoir le moins de difficultés à intégrer au moins une certaine expression de l’homosexualité avec la foi chrétienne.

Pourquoi tant d’Evangéliques ont-ils de telles difficultés ? C’est peut-être parce qu’ils ont tendance à ne prendre au sérieux ni le péché ni l’Evangile autant qu’ils le prétendent ? Ils n’auraient pas autant de difficultés s’ils prenaient le péché et l’évangile aussi sérieusement qu’ils le devraient.

Les Evangéliques affirment que le péché est tellement horrible qu’il a coûté la vie à Jésus sur la croix. Et il l’est en effet. Et il a en effet coûté la vie à Jésus. Jésus est mort sur la croix pour expier l’horreur du péché de ce monde – y compris le viol, l’excès sexuel et l’orgueil sexuel. Mais pense-t-on vraiment que Jésus a pris le chemin de la croix pour expier une expression affectueuse d’une psycho-sexualité non choisie? Est-il venu mourir parce qu’un couple fidèle et de même sexe dort et mange ensemble, et fait la vaisselle ensemble ?

Les Evangéliques prêchent que le sacrifice du Calvaire l’emporte sur tout. Et c’est vrai. Il l’emporte sur tous les péchés du monde, que ce soient les horreurs de cruauté si facilement considérées comme des péchés ou les horreurs de religiosité difficilement considérées comme des péchés. De plus il l’emporte sur les conséquences du péché : la mort, « le salaire du péché », et l’enfer lui-même. Jésus est mort afin que les pécheurs puissent être sauvés du péché, de la mort et de l’enfer.

Cependant, dans la rhétorique anti-gay, il paraîtrait que Jésus est mort pour expier un simple détail anatomique. C’est ce que fait un couple avec deux pénis ou deux vagins plutôt que ce que fait un autre couple avec un pénis et un vagin qui constitue le péché dans l’argument anti-gay. Comme le soutient un antagoniste évangélique : « la complémentarité des organes sexuels mâles et femelles » est l’accusation « la plus claire » contre l’homosexualité. [Robert A. J. Gagnon] Mais, bien sûr, la complémentarité sexuelle est un peu plus compliquée que des jeux de construction ! Dans l’attraction hétérosexuelle comme dans l’attraction homosexuelle, ce qui fait deux personnes s’attirer est l’altérité fascinante perçue dans le personnage entier de l’autre, pas la forme de leurs organes génitaux. D’ailleurs, même dans l’aspect physique des relations sexuelles, beaucoup plus que les mécanismes génitaux est impliqué. Un autre Evangélique anti-gay affirme que sans une telle dissimilitude anatomique, les « rapports sexuels de même sexe perdent la dimension symbolique de deux-devenant-un qui est présente dans les rapports sexuels mâles/femelles ». [Stanley J. Grenz] Mais il n’apprécie pas la complexité du phénomène d’une-seule-chair, une union qui porte sûrement plus sur deux êtres humains que sur deux détails anatomiques. Le « péché » de l’homosexualité se réduit alors à une question de conformité anatomique sans différencier l’expression d’amour et de violence sexuelle. Dans chaque cas le « péché » demeure dans l’élément de même sexe, point final. Ce n’est guère une approche satisfaisante même à l’égard du péché sexuel.

Les Evangéliques sont des gens de la Bonne Nouvelle – l’euangelion du Nouveau Testament. C’est le mot grec dont ‘évangélique’ dérive. Selon un érudit biblique évangélique, les termes ‘évangélique’ et ‘évangélicalisme’ sont « les plus utiles quand ils s’en tiennent à leur étymologie dans l’Evangile, la Bonne Nouvelle, que Dieu ‘avait promis par ses prophètes dans les saintes Ecritures concernant son fils Jésus-Christ,’ (Rom 1:2,3) en supposant qu’on tient un tel ‘Evangile’ avec fermeté et sincérité de cœur. Par suite, le christianisme évangélique comme mouvement doit être vu comme déterminé par son centre, non par ses extrêmes – et même ce centre doit, vu sa propre confession, être constamment testé par l’étude des Ecritures saintes ». [D. A. Carson] Un historien évangélique ajoute : « en dehors d’une foi en commun dans un évangile surnaturel, les croyances théologiques des Evangéliques divergent de façon significative ». [Mark Knoll] En fait, selon le président du Southern Baptist Seminary et un historien de l’Eglise au Westminster Seminary : « une seule tradition évangélique n’existe pas ». [Albert Mohler, Jr. et D.G. Hart] Si ces observations sont précises en général, comment soutenir que – pour ce qui est d’une expression affectueuse et fidèle de l’orientation homosexuelle – la foi évangélique exige, d’une façon ou d’une autre, une condamnation virulente ?

L’ignorance joue sans doute un rôle dans l’opposition à l’homosexualité. Et bien que l’ignorance honnête puisse être remédiée par de meilleure connaissance de la Bible, de la science et de l’expérience humaine, l’ignorance volontaire est immunisée contre toutes les données. Le pharisaïsme joue aussi un rôle. Mais on peut se repentir du pharisaïsme et être pardonné par la grâce de Dieu.

L’opposition à l’homosexualité des chrétiens conservateurs peut s’expliquer tout autant par l’allégeance aux programmes sociopolitiques de la droite, partagée par les sécularistes de droite, que que par une quelconque raison reliée au christianisme. Peut-être que c’est simplement une question de succomber à un Zeitgeist suffoquant !

Mais à moins que le péché ne soit vu en tant que quelque chose bien plus sinistre qu’une juxtaposition de terminaisons nerveuses de la peau qui exprime une affection profonde entre deux personnes de même sexe engagées à s’aimer l’une l’autre – l’homosexualité restera un obstacle pour ces gens. Et ceux-ci resteront des obstacles pour les homosexuels, que ce soient eux qui ont besoin d’entendre l’Evangile du Christ et d’y répondre ou ceux qui, ayant entendu et affirmativement répondu à l’Evangile, sont maintenant avertis que l’Evangile ne suffit tout bonnement pas dans leur cas.

Et à moins que la grâce de Dieu en Christ ne soit vue en tant que quelque chose bien plus puissamment précieux qu’un antidote moraliste à une telle juxtaposition de terminaisons nerveuses – l’homosexualité restera un obstacle pour ces gens. Et ceux-ci resteront des obstacles pour les homosexuels, que ce soient eux qui ont besoin d’entendre l’Evangile du Christ et d’y répondre ou ceux qui, ayant entendu et affirmativement répondu à l’Evangile, sont maintenant avertis que l’Evangile ne suffit tout bonnement pas dans leur cas.

Voici une autre chose évidente : les factions ecclésiastiques de la gauche semblent n’avoir aucune difficulté à intégrer presque toute expression d’homosexualité avec la foi chrétienne. Voici ce qui n’est peut-être pas si évident : la facilité avec laquelle les factions ecclésiastiques de gauche s’alignent avec n’importe quelle cause LGBT peut s’expliquer tout autant par l’allégeance aux programmes sociopolitiques de gauche, partagée par les sécularistes de gauche, que par une quelconque raison reliée au christianisme. Peut-être que c’est simplement une question de succomber au Zeitgeist suffoquant !

On me pose souvent des questions sur la lutte personnelle que j’aurais eue il y a un demi-siècle en tant qu’adolescent né de nouveau pour essayer d’assumer mon homosexualité. Je suis toujours inquiet que ma réponse – je n’ai vraiment jamais eu de difficultés – puisse sembler dure en raison des épreuves sérieuses subies par tant de gens de nos jours. Pourquoi est-ce que moi, je n’avais pas une telle angoisse à l’âge de 16 ans au milieu des années 50 – et puis au Bob Jones University ? Pourquoi est-ce que j’avais tellement peu de gêne avec l’homosexualité comme officier de l’InterVarsity à une université publique et pendant mes années aux séminaires de Dallas et de Westminster ? Et, faisant partie de personnel d’InterVarsity à Yale en 1964, comment est-ce que je pouvais parler en faveur de l’homosexualité tellement franchement et affirmativement qu’on ne m’a pas invité l’année suivante ?

De nos jours, de jeunes Evangéliques sortent du placard après des décennies d’une société progressivement plus tolérante envers l’homosexualité. Et ils sont remplis de peur, douleur, frustration et colère. Ils déchaînent leur rage contre leur éducation dans le christianisme évangélique. Beaucoup d’entre eux sont tellement furieux qu’ils « jettent le bébé avec l’eau du bain ». Ils ne veulent plus du tout être associés aux Evangéliques. Mais leur amertume témoigne d’un amour non réciproque. Et tristement, ils se laissent prendre par n’importe quel type de spiritualité superficielle et fausse à condition qu’elle soit pro-gay.

Qu’attendre d’autre ? Pour un adolescent ayant un désir homosexuel de plus en plus puissant et involontaire, ainsi qu’une incapacité croissante de contrôler les contradictions cognitives dans lesquelles l’expérience psycho-sexuelle est en désaccord avec l’enseignement de son église locale selon laquelle ce désir envers le même sexe est un « choix » vers « l’abomination », il lui faudra abandonner l’un ou l’autre. Et ce ne sera pas ce qui est involontaire. Il abandonnera ce qui a été choisi – l’église évangélique qui était autrefois un tel refuge des bonnes nouvelles, mais dont il s’est maintenant aliéné parce qu’elle prêche que son désir spontané d’intimité est strictement interdit. Par ailleurs si cette église pouvait tellement se tromper sur ce qu’elle déclare au sujet de l’expérience personnelle d’envies profondes et constantes, comment est-ce qu’une jeune personne peut-elle avoir confiance en cette église pour avoir raison sur ce qu’il n’est pas possible de connaître simplement par expérience – les doctrines de Dieu, du Christ, du salut et ainsi de suite ? C’est un peu ce que les jeunes Evangéliques qui sont gay affrontent de nos jours.

Quels facteurs contribuent à la différence entre ma propre facilité relative dans le passé et l’angoisse de ceux qui sortent du placard de nos jours ?

Le plus significatif, c’est qu’il y avait la présentation claire de l’Evangile pur que j’entendais pendant mon enfance. La bonne nouvelle était l’invitation à venir au Christ. Mais comment ? D’après les paroles de Charlotte Elliott, auteur anglican d’hymnes, chantées à la fin de chaque réunion de Billy Graham : « Tel que je suis, sans rien à moi, sinon ton sang versé pour moi, et ta voix qui m’appelle à toi, Agneau de Dieu, je viens, je viens ! » Jean 3:16 – pur et simple ! Cette prédication n’a pas été encombrée avec toutes les adjonctions sociopolitiques d’une Droite Religieuse fâchée. Naturellement on a enseigné une norme morale. Mais les enseignements étaient d’accomplir ou de ne pas accomplir des actes de bonté rigoureuse, en reconnaissance de la bonté de Dieu. La norme morale n’a pas souillé mon être vrai.

Pendant les années 50 il n’y avait aucun modèle chrétien qui était ouvertement gay ou lesbienne. Mais peu importait. J’avais beaucoup de modèles pour être un chrétien ! Et voilà ce qui avait de l’importance. J’étais chrétien, et il se trouvait que j’étais attiré par quelques personnes du même sexe que moi. D’accord ? Je croyais en l’évangile du Christ, simple mais profond, au pied de la lettre, et puis j’ai découvert les détails. Quoi que j’aie trouvé du légalisme mesquin et du pharisaïsme, je les considérais contraires à l’évangile et contraires à l’amour vaste du Christ, et au mode de vie chrétien et réaliste à laquelle il nous appelle.

Il y a également de nos jours une mentalité chagrinée et exagérée de victime qui est très à la mode. Et elle est liée avec un sens de privilège exagéré dans lequel tellement est interprété en termes de ses propres droits seulement. Ceux qui sortent du placard de nos jours sont aisément victimes de cette hypersensibilité et cette hypervigilance de la politique égocentrique d’identité autant qu’ils sont des victimes de l’homophobie et de l’hétérosexisme qui en font également partie.

Une telle façon égocentrique de voir engendrera certainement des sentiments de douleur, peur, frustration et colère. Aggravant le problème, ces sentiments sont éprouvés au sein d’une communauté où ils sont plus privilégiés que l’analyse cognitive. En essayant de contrôler les sentiments de douleur, peur, frustration et colère basés sur des interprétations de l’oppression, on se met en rage. Et un tel dégagement émotif est encouragé, voire programmé, au sein du mouvement LGBT. Mais cette approche ne fait que renforcer la douleur, la peur, la frustration et la colère, et on demeure emprisonné dans une explosion de rage impuissante, exigeant que d’autres soient blâmés et que d’autres réparent ce qu’ils ne veulent pas beaucoup réparer.

Sans essayer de changer la manière dont d’autres gens nous traitent, toujours une tâche délicate voire impossible, pouvons-nous changer la manière dont nous nous traitons nous-mêmes ? Est-ce que nous pouvons nous ramener nous-mêmes à la raison au lieu d’essayer de les ramener à la raison ? Du moins pouvons-nous commencer à nous ramener à la raison tout en essayant de les ramener à la raison ?

Assurément il doit y avoir une meilleure façon d’aborder le sujet de l’homosexualité que celle que la plupart des Evangéliques ont trouvée jusqu’ici. Et il y en a. C’est la vraie voie ancienne de l’Evangile à laquelle l’Eglise a dû revenir maintes fois à la suite de détours négligents et dangereux.

Paul a souligné l’évangile pur de la grâce salvatrice de Dieu, et de la justification par foi en Jésus Christ seul, en dehors de toute distinction conventionnelle. Particulièrement pertinent pour nous est ce qu’il a écrit dans Romains 1 et 2, Romains 14, Galates 3 – et dans ces mots inestimables de Romains 8. Il y a maintenant presque trois décennies que nous les imprimons en haut de notre bulletin d’EC : « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rom 8:38-39) Au fait, il n’y a aucune preuve écrite confirmant la rumeur que Paul aurait ajouté : « Oh, j’ai oublié quelque chose – rien sauf toute forme d’homosexualité ! »

Pour moi, la véritablement bonne nouvelle de l’Evangile du Christ l’a toujours emporté sur les piètres substitutions égoïstes qu’on fournit – que ce soient dans les cercles fondamentalistes et libéraux, ou dans la Droite Religieuse et la Gauche LGBT où l’homosexualité est une véritable obsession. Comme l’exprime sagement D. L. Moody, évangéliste du 19e siècle : « Regardez ce qu’il est, et ce qu’il a fait, non ce que vous êtes, et non ce que vous avez fait. C’est là le moyen de trouver la paix et le repos ».

Les résultats d’un sondage Gallup montrent que 46 pour cent d’Américains indiquent être « Evangéliques » ou « nés de nouveau ». Donc, des millions d’homosexuels et leurs familles sont obligés d’affronter l’homosexualité en rapport avec la foi chrétienne évangélique. Et quoique la plupart pensent qu’ils opèrent avec des vérités données par Dieu, ils ont une compréhension lamentablement faible non seulement de l’homosexualité, mais aussi de la foi évangélique. Car, comme déjà indiquée, leur supposition qu’une position anti-gay soit un principe de base du christianisme évangélique, comme tel, est erronée.

Et donc je ferais appel aux autres Evangéliques pour examiner de plus près ce qu’ils croient connaître de l’homosexualité et ce qu’ils croient connaître de la foi chrétienne. Prenons au sérieux l’évangile et ne le reléguons pas à juste un mantra. Prenons au sérieux le péché et ne le réduisons pas à une simple question de conformité anatomique. Soyons des disciples de Jésus, fidèles à la Bible sans justifier quelques versets bibliques, pauvrement compris, hors de toute proportion à l’appel clair de Jésus pour un amour reconnaissant pour Dieu et un rigoureusement généreux amour pour notre prochain. Et regardons en nous-mêmes plus honnêtement, afin que nous puissions voir les besoins des autres dans nos besoins, leurs fautes dans nos fautes et même leurs faiblesses dans nos faiblesses et, confrontés à des hostilités, que nous suivions Son exemple de sacrifice de soi et trouvions la solution par la croix du Christ, le seul Seigneur et Sauveur qui soit.

© Ralph Blair, tous droits réservés (traduction : F.W.)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour, je me réjouis de la décision synodale de l'EPUF. C'est mon Eglise, et je suis fier d'elle!Même si peu de personnes homos demandent une bénédiction, le principe est là. C'est bien d'avoir ouvert un tel blog et d'avoir transmis le texte de cette conférence. Entendre certaines choses de la part de chrétiens ne fait pas plaisir, c'est triste! Salut