mardi 18 novembre 2008

2007 Festival de Prédication #3 (Blair)

Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa troisième annonce

[Ce discours-ci est le dernier des trois prononcés par le Dr Ralph Blair au Festival de Prédication d'Evangelicals Concerned en october 2007. Je remercie Jean V. de son aide précieux en relisant et en corrigeant le texte. – F.W., traducteur]

Marc 10, 28-45


Alors Pierre demanda, « Et nous? Nous avons tout quitté pour te suivre ». Jésus répondit, « Vraiment, je vous l’assure : si quelqu’un quitte, à cause de moi et de l’Evangile, sa maison, ses frères, ses sœurs, sa mère, son père, ses enfants ou ses terres, il recevra cent fois plus dès à présent: des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants, des terres, avec des persécutions; et, dans le monde à venir, la vie éternelle. Mais beaucoup qui sont maintenant les premiers, seront les derniers, et beaucoup qui sont maintenant les derniers, seront les premiers ».

Ils étaient en route pour monter à Jérusalem. Jésus marchait en tête. L’angoisse s’était emparée des disciples et ceux qui les suivaient étaient dans la crainte.

Jésus prit de nouveau les Douze à part, et il se mit à leur dire ce qui allait arriver, « Voici : nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme y sera livré aux chefs des prêtres et aux spécialistes de la Loi. Ils le condamneront à mort et le remettront entre les mains des païens. Ils se moqueront de lui, lui cracheront au visage, le battront à coups de fouet et le mettront à mort. Puis, au bout de trois jours, il ressuscitera ».

Alors Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchèrent de Jésus et lui dirent, « Maître, nous désirons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander ». « Que désirez-vous que je fasse pour vous ? » leur demanda-t-il. Ils répondirent, « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche lorsque tu seras dans la gloire ». Mais Jésus leur dit, « Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous demandez ! Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou passer par le baptême que j’aurai à subir ? » « Oui, lui répondirent-ils, nous le pouvons ». Alors Jésus reprit, « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire, et vous subirez le baptême par lequel je vais passer, mais quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient
pas de vous l’accorder : ces places reviendront à ceux pour qui elles ont été préparées.

En entendant cela, les dix autres s’indignèrent contre Jacques et Jean. Alors Jésus les appela tous auprès de lui et leur dit : « Vous savez ce qui se passe dans les nations : ceux que l’on considère comme les chefs politiques dominent sur leurs peuples et les grands personnages font peser leur autorité sur eux. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ! Au contraire: si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon pour beaucoup ».

Ils étaient en route pour monter à Jérusalem. Jésus marchait en tête, devant eux. Les disciples étaient étonnés, les autres apeurés.

Marc décrit Jésus comme devançant ses disciples et les autres – les devançant non seulement en comprenant l’objectif devant lui, mais aussi dans une détermination implacable à y parvenir.


Jésus prit de nouveau les Douze à part, et il se mit à leur dire ce qui allait arriver.
Encore une fois, Marc constate que Jésus parlait en privé avec son cercle rapproché de disciples. Il les préparait pour ce qui allait arriver à Jérusalem. Il répéta ce qu’il leur avait dit dans ses deux premières divulgations. Il leur dit : Écoutez donc. Comme je vous ai dit, gardez tout cela à l’esprit.


« Nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme y sera livré aux chefs des prêtres et aux spécialistes de la Loi. Ils le condamneront à mort ».
Mais Jésus ajouta alors de nouveaux renseignements rendant la nouvelle encore plus alarmante. La force militaire de l’empire romain allait être impliquée. Il dit que les autorités juives allaient le condamner à mort et s’assurer que la sentence de mort serait exécutée, car les membres du Sanhédrin


… le remettront entre les mains des païens. Ils se moqueront de lui, lui cracheront au visage, le battront à coups de fouet et le mettront à mort.
Et, bien sûr, la force occupante de la Rome païenne avait l’autorité et le moyen de le faire. Les Romains maîtrisaient l’art cruel de la crucifixion. Jésus répéta alors sa promesse incompréhensible :


« Au bout de trois jours, il ressuscitera ».
Mais immédiatement, Marc concentre son attention sur une grave erreur de deux des disciples les plus proches de Jésus. Comme Marc le rapporte :


Alors Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchèrent de Jésus.

Ils essayaient de détourner Jésus de sa vocation de sacrifice pour promouvoir leurs desseins intéressés. Ils fermaient les yeux sur ses prédictions de danger, se concentrant sur leurs présomptions que l’oppression romaine (quel que soit le prix qu’il allait payer, lui) serait contrée par ce qu’ils prenaient pour son ‘ascension’ au pouvoir politique.

Or, rappelez-vous qui étaient ces deux gars-là. En tant que cousins de Jésus, ils le connaissaient depuis plus longtemps qu’aucun autre disciple. Et avec Pierre, depuis trois années ils étaient plus proches de Jésus qu’aucun autre disciple. Et tout récemment, ils avaient tous deux eu le privilège d’être présents à la Transfiguration de Jésus, où ils avaient entendu Jésus parler avec Moïse et Élie. Ils avaient vu le législateur et le prophète d’Israël disparaître devant la gloire éclatante de Jésus. Seul Jésus était resté. Ils avaient entendu alors la Voix de Dieu confirmer que Jésus est bien Son Fils qu’Il aime. La Voix leur avait dit d’écouter Jésus. Mais eux, ils demandaient à Jésus de les écouter. C’est ce que nous avons tendance à faire, nous aussi, n’est-ce pas ? Nous aussi, nous essayons d’éclipser Jésus.
« Maître, nous désirons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander. »
Quelle façon astucieuse de procéder avec une proposition incorrecte ! Obtenez l’assentiment à l’avance que votre vœu sera exaucé avant d’oser révéler ce qu’il est – surtout quand votre vœu n’est pas exactement en accord avec l’enseignement de celui que vous appelez votre ‘Maître’, celui qui, vous l’espérez, exaucera votre vœu.

Le compte rendu que Matthieu fait de cet incident désigne en fait leur mère comme l’instigatrice – dominant ses fils comme un précurseur de Mama Rose[1]. Et comme indiqué, elle était la tante de Jésus, la sœur de sa mère. Sans aucun doute, Jacques et Jean comptaient donc sur ces « liens familiaux » pour s’attirer les bonnes grâces de Jésus.

Jésus répondit à leur demande d’exaucer leur vœu en leur demandant :

« Que désirez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui dirent :


« Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche lorsque tu seras dans la gloire ».
« Tu seras dans la gloire » ? Est-ce sa gloire à lui ou leur gloire à eux qu’ils avaient en tête ?

Ils étaient parents par le sang, et donc, ils se soutenaient, naturellement. Les Zébédée, liés par des liens de famille naturelle, étaient accaparés par leurs propres soucis.

Mais beaucoup plus tôt, ils avaient entendu Jésus définir sa « famille » comme « quiconque fait la volonté de Dieu ». (Marc 3,35) Et plus tard, au pied de la croix sanglante de Jésus, Jean allait se voir rappeler que les liens familiaux ne sont pas les liens les plus importants dans le Royaume de Dieu, en entendant Jésus lui confier sa propre mère chérie : « Voici ta mère » et le confier à Marie : « Voici ton fils ». On lit que dès ce moment, Jean prit la mère de Jésus chez lui. (Jean 19,27)

Mais en route pour Jérusalem, les Zébédée avaient d’autres idées sur la famille. Car, bien qu’ils appellent Jésus « Maître », ils ne prêtaient pas beaucoup d’attention à ses enseignements. Ou bien, ils ne prêtaient attention qu’à ce qui s’accordait avec ce qu’ils voulaient entendre. Ils restaient sourds à son enseignement sur quitter leur famille d’origine terrestre afin de devenir membre de sa famille d’origine céleste. Ils ne comprenaient pas sa redéfinition du mot « frère » selon ses termes et de l’accomplissement de la volonté de son Père divin. Et quant à tout ce que Jésus venait de dire – enregistré par Marc dans les phrases immédiatement précédentes – au sujet de ses vrais disciples qui quittent leurs frères, leurs sœurs, leur mère, leur père, leurs enfants, leur maison et leurs terres dans cet âge-ci afin de le suivre véritablement vers l’âge à venir, et de recevoir de nouveaux frères, sœurs, mères, pères, enfants, maisons et terres – tous multipliés – bien qu’avec aussi des persécutions ? Et la révélation à venir ajoutera l’ethnicité, l’identité raciale, la position sociale et le sexe à la préoccupation que nous abandonnons pour l’identité dans le Christ. Et quant à ce que Jésus avait dit au sujet de celui qui désire être le premier ? N’avait-il pas dit qu’il doit se faire le dernier de tous et le serviteur de tous ? Jésus va devoir le répéter ici.

Et, en accord avec leur obsession pour les idées de ce monde-ci, remarquez la façon dont ils exprimèrent si délicatement leur demande, de manière de ne pas se heurter l’un à l’autre. Il ne serait pas dans leur intérêt de spécifier – du moins à portée de voix de l’autre – exactement lequel d’entre eux allait être favorisé avec la position plus prestigieuse à la main droite de Jésus, contre la position moins prestigieuse à la main gauche de Jésus. Alors, cela servirait les intérêts de chacun – du moins, là, en présence l’un de l’autre – de laisser à Jésus ce détail des couverts.

Notez aussi : si ces deux ne croyaient déjà pas qu’ils ne suivaient pas Jésus aussi bien qu’ils le devraient, et s’ils ne s’imaginaient pas que les autres ne le croyaient pas non plus, pensez-vous qu’ils auraient parlé à Jésus en privé pour essayer de le pousser à se joindre à eux pour l’emporter sur les autres ? Ils trouvaient impossible de tenir pour acquis qu’ils étaient ce qu’ils essayaient de pousser Jésus à prétendre. Ils ne supposaient certainement pas que Jésus allait imaginer ce complot sordide de sa propre initiative. En tout cas, pensez-vous que, même s’il avait exaucé leur vœu, selon leurs propres conditions égocentriques, cela enlèverait le doute d’eux-mêmes qui les tenaillait ? Doutez-le !

Mais ils étaient sans doute plus conscients des déclarations de Jésus sur le premier et le dernier que leur manigance ne le suggère à première vue. À la lumière de sa norme, ils se sentaient incertains et peu sûrs d’eux-mêmes. Là-bas dans l’angle mort de Golgotha et encore trop tôt pour le lever du soleil du jour de Pâques, ils agissaient encore de connivence pour rendre Jésus redevable à eux et le mettre à leur disposition afin de gagner ses bonnes grâces. Ils ne voyaient pas alors qu’il s’était déjà consacré à payer leur dette, s’était déjà mis à la disposition d’un monde inique. Sa faveur ne serait pas gagnée avec avidité ni en empoignant. Elle serait accordée par grâce.

Si Jacques et Jean ont pu être si aveuglés, pourquoi supposons-nous que nous soyons exemptés d’aveuglement ? À moins que nous ne nous puissions nous voir nous-mêmes en eux, nous ne pourrons pas voir notre propre haine de nous-mêmes aveuglante, qui se fait passer pour quelque chose de mieux que notre opinion de nous-mêmes. Ainsi, pour nous, comme pour eux du côté brillant de la croix du jour de Pâques, c’est du point de vue de la providence de Dieu dans le Christ que nous nous voyons comme des pécheurs, pourtant sauvés par grâce.

Plus on lit les écrits de John Newton, plus on est impressionné par sa finesse psychologique et spirituelle. Écoutez ce qu’il dit sur l’aveuglement. C’est dans une lettre qu’il écrit en 1788, en rendant visite à Cowper et à d’autres amis dans sa vieille paroisse du Buckinghamshire.


« Tant que nous restons sur terre, nous sommes à l’école du Seigneur, et une leçon principale qu’il faut apprendre est une connaissance de nous-mêmes qui ne peut être obtenue que par expérience douloureuse. Ni livres, ni sermons, ni lettres ne peuvent nous l’apprendre. Et les observations que nous faisons sur autrui ne peuvent pas nous mener loin au-delà de la théorie, elles non plus. C’est une chose d’avoir des idées tolérables sur le cœur humain en général, mais connaître notre propre cœur, c’est tout à fait autre chose. La tromperie du cœur que nous permettons en mots lui permet de déguiser, de cacher et de masquer ses propres émotions, de telle sorte que le sens supposé que nous avons de sa tromperie soit souvent la chose exacte qui nous dupe ».
Il poursuit avec une illustration tirée de sa longue expérience en mer :


« On dit que la mer est trompeuse, et avec raison. Elle semble parfois tellement lisse et luisante que personne qui ne l’a pas essayée ne croirait qu’elle soit dangereuse ; mais cela, ce n’est que le calme. Une brise l’agite, et dans une tempête elle gronde et fait rage. Mais le cœur est plus trompeur que la mer. Il gronde et fait rage quand il paraît qu’il n’y ait aucun vent pour l’agiter ou éveiller le moindre soupçon. Si je me sens impatient et mécontent sous la pression de grandes difficultés, je suis susceptible de rendre la tempête responsable de toute l’agitation et d’excuser mon cœur qui me dit qu’il se comporterait mieux dans des circonstances plus favorables. Mais quand l’état des affaires est bien tranquille, quand je n’affronte aucune épreuve qui vaut la peine d’en parler, quand je me vois entouré de conforts, de sorte qu’étant juge dans mon propre cas je doive avouer que je jouis d’un sort très privilégié, et ne peux imaginer aucune personne sur terre avec qui je voudrais changer de place, si même ces bagatelles, aussi légères que l’air, suffisent à me bouleverser, et un mot ou un regard qui ne me plaît pas me rend pour l’instant insensible à chaque clémence imméritée, je trouve alors mon cœur vraiment trompeur. … Je voudrais que nous soyons meilleurs, mais il est important de savoir (pour autant que nous puissions le supporter) à quel point nous sommes vraiment méchants ».
Alors, voilà comment Jésus répondit à ces deux disciples aveuglés – et, par extension, à nous qui pouvons être aussi aveuglés qu’eux :


« Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous demandez ».
Ce n’était pas une réprimande sévère. À ce stade, à quoi cela servirait-il ? Il n’essayait pas de leur faire honte. Ils n’auraient pas pu le supporter. Leur complot montrait qu’ils étaient trop perdus pour vraiment comprendre. Jésus prit donc une approche douce, cherchant à les mener vers un meilleur chemin. Il leur demanda :



« Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou passer par le baptême que j’aurai à subir ? »
Et de même que nous pouvons lâcher la ‘bonne’ réponse – comme nous l’avons si follement et si fréquemment fait – ces deux frères lâchèrent leur ‘bonne’ réponse : « Oui ! » Et ils ne comprenaient même pas la question.

Quand Jésus parlait de ‘la coupe’, nous nous rappelons sa prière, en souffrant : « Père, éloigne de moi cette coupe ». Mais Jacques et Jean ne l’avaient pas lue.

Cependant, ils auraient dû se rendre compte que, dans le langage de leur temps, ‘boire la coupe’ était quelque chose de menaçant, une épreuve terrible. Ce n’était pas une invitation à « une tasse de thé avec des biscuits ». Il s’agissait d’une coupe de douleur, car elle se référait à la colère de Dieu.

Ce n’était donc pas une question à laquelle il faut répondre automatiquement, « Oui ! » La question aurait dû les stopper net. Mais ils ne faisaient pas attention – encore distraits par leurs visées égoïstes.

Et qu’est-ce que Jésus voulait dire par « le baptême que j’aurai à subir » ? Il ne pensait pas à quelques gouttes d’eau gentiment appliquées sur le front d’un petit bébé devant une congrégation approbatrice. Et Jacques et Jean auraient dû comprendre cela aussi. En Israël, le baptême était un symbole de la mort. D’après le psalmiste, « tous tes flots et tes lames ont déferlé sur moi ». Alors, Paul pouvait parler d’être « ensevelis avec le Christ par le baptême ». Plus tard, Luther allait appeler le baptême « la mort par noyade ». Et rappelez-vous petit Bevel[2]. Autrement dit, lorsque l’on est immergé dans les eaux de baptême, la vieille vie meurt, et lorsque l’on émerge des eaux de baptême, la nouvelle vie naît.

Bon, Jésus assura à Jacques et à Jean qu’en effet, ils allaient boire de sa coupe et être baptisés dans son baptême. Effectivement, le jour arriva où, pour satisfaire Annas, le grand-prêtre, et tout son entourage qui appartenait au parti puissant des sadducéens, le roi Hérode fit décapiter Jacques. Et Papias, au début du deuxième siècle, rapporte que Jean, lui aussi, fut tué dans la vendetta de l’establishment du Temple contre les disciples de Jésus.

Ainsi, admettant qu’ils allaient en effet boire de sa coupe et être baptisés dans son baptême – bien que, comme cela ne s’avéra, pas comme ils l’avaient envisagé – Jésus dit qu’il ne lui appartenait pas d’accorder les places d’honneur. Employant ‘le passif divin’[3] – il dit que cela appartenait au Père. Donc, en refusant humblement de s’emparer de ce qui appartenait à son Père, tout comme ils s’emparaient de ce qui ne leur appartenait pas, il se sacrifie lui-même encore pour leur intérêt et le nôtre.

Bien sûr, il était difficile de cacher une conspiration. Donc, les autres comprenaient ce que ces deux-là essayaient de faire. Et leur jalousie provoqua l’indignation qui aboutit à la division bien-pensante – ‘nous’ contre ‘eux’. Ils étaient tous des égocentriques qui cherchaient le statut social et le traitement spécial et immérité.

Jésus les convoqua pour leur apprendre encore une fois qu’ils ne devaient pas adopter des valeurs païennes, en essayant de l’emporter l’un sur l’autre. Il répéta la leçon sur la grandeur qu’ils avaient si vite oubliée.



« Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous ».
Ces paroles-là, leur semblaient-elles familières ? Elles étaient si scandaleuses quand ils les avaient entendues au début que, peut-être, ils les entendaient maintenant pour la première fois. Ou bien, peut-être qu’ils n’étaient pas encore prêts à les entendre.

Mais comme ils le savaient, être un serviteur voulait dire n’avoir aucune autodétermination. On était un « rien du tout » constamment à la disposition de quelqu’un d’autre. Ce n’était pas là le signe de grandeur dans l’Empire romain. Ce n’était pas le signe de grandeur parmi les autorités du Temple. Mais c’était et c’est toujours le signe de grandeur dans le Royaume de Dieu.

Pourtant, bien trop souvent, les chrétiens ne se sont pas montrés à la hauteur de cet appel à être le serviteur humble de tous. Quand le pape répéta récemment la prétendue suprématie de l’Église de Rome sur tous les autres chrétiens, les chrétiens protestants et orthodoxes orientaux levèrent les yeux au ciel. Comme c’est insensé pour l’Église de Rome de se vanter de la suprématie, quand – historiquement et politiquement – son affirmation reste couchée sur les cendres du prestige païen. Mais les non-catholiques, eux aussi, rationalisent leur dérobade devant l’appel à être des serviteurs. Leur ressentiment ne ressemble-t-il pas à celui d’autres disciples envers les Zébédée ?

Jésus appliqua son appel à être des serviteurs à lui-même quand il l’expliqua :


« … le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même … »
Et comment est-ce que le Fils de l’homme est venu pour servir ? Selon Jésus il est venu :


« … pour donner sa vie en rançon pour beaucoup ».
Or, en raison de leur aversion pour le sang de Jésus, les libéraux nient que Jésus a dit cela. Ils allèguent une séparation entre le service et le sacrifice. Pourtant, les deux sont bien liés dans le Serviteur souffrant d’Ésaïe 53, le modèle même qui se trouve derrière les paroles de Jésus. La quintessence du service est sacrifier sa vie pour autrui. Voilà ce que donner sa vie en rançon pour beaucoup veut dire.

Il ne fait aucun doute que, en employant le terme « rançon », il voulait dire qu’il était venu subir la mort que d’autres gens méritaient à cause de leurs péchés. Il est venu mourir pour les pécheurs, une mort de substitution, le sacrifice de sa vie à lui pour la vie des pécheurs. Ce modèle de l’expiation qui remplace la mort du coupable par celle de l’innocent était, évidemment, bien connu des disciples et de tout Juif. C’est là ce que leurs agneaux expiatoires avaient toujours signifié.

« Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde ! ». Voilà ce que Jean, le disciple, avait entendu Jean-Baptiste dire comme il avait désigné Jésus du doigt au bord du Jourdain. Et depuis lors, c’est ce que les chrétiens ont cru : Jésus, l’Agneau de Dieu, est celui qui enlève le péché du monde.

Mais, de nos jours, dans la théologie non biblique du protestantisme libéral, tout langage se référant à « l’Agneau de Dieu » est considéré comme politiquement incorrect. Ainsi, on rejette l’enseignement biblique que Jésus est venu mourir comme l’Agneau de Dieu sans tache pour nous racheter de notre péché et de la mort.

Dans leur dédain pour la présentation biblique de l’expiation par la substitution, les chrétiens libéraux la caricaturent comme étant de la maltraitance d’enfant. Deux d’entre eux la raillent ainsi : « la maltraitance d’enfant divine est exhibée comme rédemptrice, et l’enfant qui souffre ‘sans même élever la voix’ est célébré comme l’espoir du monde ». (Joanne Carlson Brown et Rebecca Parker) Leur interprétation moqueuse de l’Écriture n’arrive pas du tout à saisir la grâce glorieuse de Jésus comme l’Agneau de Dieu. Et ainsi, ils font trébucher et piègent les non informés, leur jetant des bouts de faux amour-propre au lieu de proclamer le pouvoir de Dieu pour sauver du péché et de la mort grâce à la mort de Jésus-Christ.

Les critiques dépeignent notre Père comme imposant ‘le mauvais traitement’ au fils parce qu’ils refusent de voir le Père ici en tant que Dieu le père, et refusent de voir le Fils ici en tant que Dieu le fils. Ils refusent de voir le Père, le Fils et l’Esprit comme étant dans une totale égalité, l’Amour trinitaire. Ils refusent de voir l’Amour trinitaire – décidant et agissant en complet accord – intérieurement et éternellement – pour concevoir, initier et réaliser le salut du monde. C’est l’insondable Mystère de la Miséricorde. Mais ce n’est pas de « la maltraitance d’enfant ». Les gens religieux mais non croyants ne croient pas cette explication parce qu’ils ne croient pas au Dieu trinitaire.

Pourtant, leurs critiques sont plus compliquées que cela. Ils haïssent l’enseignement biblique que nous sommes des « pécheurs » qui ont besoin de salut. Selon eux : nous sommes tous essentiellement bons, c’est « l’impersonnelle » injustice sociale systémique qui est mauvaise. Mais comment « l’injustice sociale systémique » est-elle perpétrée et perpétuée autrement que par des gens ? On ferait mieux de les reconnaître comme pécheurs, non ? Et qui parmi nous, tout en étant le responsable, ne s’est pas abaissé à la maltraitance égoïste et systémique d’autrui (et qui pourrait s’empêcher d’agir ainsi ?) – ainsi se révélant lui-même comme un pécheur ayant besoin de salut ?

Mais les chrétiens libéraux préfèrent un ‘Jésus’ qui correspond exactement à leur image imaginée – un sage ‘progressiste’ qui se heurte à la religion organisée et la dictature militaire. Ils promeuvent un ‘Jésus’ refaçonné selon leurs goûts plus à la mode – tiré d’un faux Évangile de Thomas, d’un faux Évangile de Judas. Le sacrifice sacré de Jésus est sacrifié sur des autels du jargon psychologique, de la ‘spiritualité’ et des platitudes de conformisme politique postmoderne.

La vérité de Jésus-Christ comme rançon est une question de justice rétributive et réparatrice. Sa crucifixion est la compensation qui est juste, qui est proportionnée aux catastrophes du péché et de la mort. Le péché est mortel ; la mort est définitive. Donc, une montagne d’excuses ne peut redresser un seul tort, ni ressusciter un seul pécheur mort.

Dans l’Israël ancien, on comprenait qu’en fin de compte, seul le Seigneur Lui-même pourrait ou allait apporter la justice. Dans le Deutéronome, on lit que le Seigneur dit : « À moi la vengeance et la rétribution ». (32,35) L’apôtre Paul cite ce passage de la Thora quand il demande aux chrétiens de ne pas se donner pour tâche de venger le mal qui se fait contre eux. (Romains 12,19) L’écrivain de l’Épître aux Hébreux le cite, lui aussi, quand il prévient de la gravité du cas de celui qui continue à vivre délibérément dans le péché. (10,30)

Dans les temps anciens, les malfaiteurs condamnés à la prison ou à l’esclavage étaient impuissants à se sauver eux-mêmes. Mais une rançon pouvait être payée à leur nom. Une rançon pouvait être payée à la victime pour que le malfaiteur puisse être délivré. La rançon était l’achat de la libération. Elle satisferait aux exigences de la justice. Le tort serait redressé. Aucune autre compensation ne serait due. Le malfaiteur serait enfin libre.

En Israël, le substitut d’un malfaiteur méritant la mort était la mort d’un agneau innocent. Et dans Ésaïe 53, Israël entendit que le Serviteur souffrant du Seigneur allait venir comme l’Agneau sacrificiel.

Et voici Jésus qui arrive. Comme le dit Jean-Baptiste, « Voici l’Agneau de Dieu ». Et Jésus se réfère à lui-même comme celui qui donne sa vie « en rançon pour beaucoup ».

« Beaucoup » était une façon ancienne de parler du « reste » – les autres à la différence de « celui ». Jésus est celui qui prend la place des autres. Jésus, l’Agneau innocent de Dieu, donne sa vie pour les pécheurs.

Qui dans ce monde-ci aurait prévu que la manière dont Dieu allait satisfaire son décret de garder la vengeance et la rétribution à Lui seul, était de devenir un homme pour être cloué à une croix, pour assumer lui-même tout notre péché et la mort que nous méritions ? Et ce n’est pas là une métaphore. C’est la vérité pure et dure – aussi dure que les clous de crucifixion. Mais ce ne sont pas les clous qui le retenaient à la croix. C’est son amour.

L’Amour trinitaire fit cela pour nous – non par la maltraitance du Fils par le Père, mais quand le Seigneur absorba, en lui-même – au moyen de sa chair déchirée, de son sang versé et d’un isolement inimaginable – tout le péché et toute la mort d’un monde perdu. Quand le Christ s’écria, « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », il devint le péché lui-même, écrasé à mort. Et le Cœur du Père alla en enfer.

Mais le péché et la mort ne pouvaient pas survivre au sacrifice divin par lequel Dieu se condamna Lui-même. Et ainsi, ce troisième jour-là, comme il l’avait prévu, Jésus-Christ ressuscita – Vainqueur du péché et de la mort. Et par Sa résurrection, nous ressuscitons – rachetés pour la joie en Lui par la grâce infinie de Dieu !

Si vous êtes reconnaissants pour cette grâce et pour cette paix qui surpasse tout ce que l’on peut concevoir, joignez-vous à moi pour que nous chantions, ensemble, les paroles familières de John Newton :


Grâce infinie, ô quel beau don
Pour moi, pécheur, qui crois
J’étais perdu, j’ai le pardon
Aveugle, mais je vois.
© 2007 Ralph Blair, tous droits réservés.(traduction : F.W.)

[1] ‘Mama Rose’, personnage principal de la comédie musicale Gypsy, est une mère obsédée par la carrière théâtrale de ses deux filles.
[2] Voir le premier sermon de cette série : Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa première annonce.
[3] Le ‘passif divin’ était une façon hébraïque de se référer à Dieu sans employer son Nom.

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