vendredi 14 novembre 2008

2007 Festival de Prédication #1 (Blair)

Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa première annonce

[Ce discours-ci est le premier des trois prononcés par le Dr Ralph Blair au Festival de Prédication d'Evangelicals Concerned en october 2007. Je remercie Théo M. de son aide précieux en relisant et en corrigeant le texte. – F.W., traducteur]

Marc 8,31-37

Et il commença à leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup souffrir, être rejeté par les responsables du peuple, les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi; il devait être mis à mort et ressusciter trois jours après.

Il leur dit tout cela très clairement. Alors Pierre le prit à part et se mit à lui faire des reproches.

Mais Jésus se retourna, regarda ses disciples et reprit Pierre sévèrement: « Arrière, ‘Satan’! Eloigne-toi de moi! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu; ce sont des pensées tout humaines. »

Là-dessus, Jésus appela la foule ainsi que ses disciples et leur dit: « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. En effet, celui qui est préoccupé de sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera. Si un homme parvenait à posséder le monde entier, à quoi cela lui servirait-il, s’il perd sa vie? Et que peut-on donner pour racheter sa vie? »

Les sociologues trouvent que la foi d’un grand nombre de jeunes pratiquants de nos jours est un « déisme moraliste et thérapeutique » qui n’est pas chrétien – Dieu existe vaguement, et il faut simplement s’entendre avec autrui et être content. De nombreux adultes ont la même religion. D’un autre côté, les chrétiens d’extrême droite et la gauche prêchent des légalismes en désaccord avec l’évangile pour faire du changement social. Il n’est donc pas étonnant que dans une classe récente de catéchisme, une adolescente demande : « Euh, ben, pourquoi Jésus s’est fait zigouiller ? » Son vocabulaire ressemblait plus à celui des Sopranos que celui de Nicée, mais sa question valait le coup de poser. Et bien que tellement de gens soient réticents à chercher une réponse dans la Bible, c’est le seul endroit raisonnable où en chercher. Voilà ce que nous allons faire ce week-end : étudier l’Évangile de Marc pour lire ce que Jésus, lui-même, avait à dire au sujet de sa mort.

Tous les quatre Évangiles sont essentiellement des préfaces à la passion du Christ. Ces premiers comptes rendu de sa passion (dérivée du mot latin pour souffrance) suivent un peu un schéma biographique – détails préliminaires comme la prophétie, ses enseignements et ses miracles. Nous lisons que Jésus inaugura le règne de Dieu, ou le nouvel âge sur terre, et qu’il le fit, non seulement dans sa vie, mais aussi par sa souffrance et sa mort et que Dieu le justifia en le ressuscitant des morts.

Alors que nous étudions l’Evangile selon Marc, nous allons examiner les prédictions et les explications de Jésus lui-même de sa mort et sa résurrection. Marc en rend compte comme il l’avait appris de son mentor, Pierre, qui avait été avec Jésus et entendu son Maître dire ces choses.

Le sermon de ce matin, tiré du 8ème chapitre de Marc, traite de la première de ces divulgations à ses disciples. Eh bien, vous savez quoi ? Ils n’en comprendront rien. Mais comprendrons-nous ? Le sermon de cet après-midi, tiré du 9ème chapitre de Marc, traitera de la deuxième fois que Jésus leur dit qu’il lui faudrait mourir et être ressuscité des morts. Eh bien, vous savez quoi ? Ils n’en comprendront rien encore. Et nous ? Le sermon du dimanche matin, tiré du 10ème chapitre de Marc, traitera de sa troisième révélation qu’il lui faudrait mourir et être ressuscité. Comprendront-ils enfin ? Et nous ? Nous, nous avons l’avantage chronologique, avec le recul parfait qui est censé nous aider. Mais est-ce important ? Nous verrons.

Pour commencer, faisons attention au fait que les prédictions de Jésus nous rassurent qu’il n’était pas une victime malheureuse. Jésus était un participant actif dans sa mort et sa résurrection. Il est le Sauveur Suprême. Il dit que personne ne peut lui ôter la vie mais que, sur l’autorité de son Père, il a lui-même le pouvoir de la donner et de la reprendre. (Jean 10,18)

Or, cela ne veut pas dire que Jésus ne souffrit pas à Gethsémani et à Golgotha. Il ne fit pas semblant. Mais cela veut bien dire que rien ne le prit par surprise. C’était son propre but inébranlable – au sein du mystère du Dieu Trine qui est, Lui-même, Amour – de faire ce qui devait être fait pour sauver le monde du péché et de la mort.

Nous reprenons le récit au moment où Jésus fait sortir ses disciples de la Galilée pour ce nouveau stade de sa mission sur terre. Ce sera le stade final. Ils sont sur le chemin de Jérusalem.

Marc vient de raconter à ses lecteurs comment Pierre avait répondu à la question de Jésus : « Qui dites-vous que je suis ? » Et Pierre de répondre : « Tu es le Messie ». Nous savons par des rapports parallèles que Jésus attribua ce discernement à une révélation de Dieu Lui-même. Mais Pierre avait encore beaucoup à apprendre sur exactement ce qui signifiait pour Jésus d’être « le Messie ».

Marc poursuit :

Jésus commença alors à leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup
souffrir, être rejeté par les responsables du peuple, les chefs des prêtres et
les spécialistes de la Loi; il devait être mis à mort et ressusciter trois jours
après. Il leur dit tout cela très clairement.

Ici, Jésus parle de lui-même comme le « Fils de l’homme », comme il le fait 80 fois environ dans les Evangiles. C’était probablement l’ambiguïté du terme que Jésus trouvait si utile pour comprendre et pour expliquer son identité et sa mission. C’était un bien meilleur terme que « Messie », avec tout son bagage de tribalisme traditionnel et de militarisme que l’esprit populaire attribuait à ce terme. L’image du « Fils de l’homme », venue de la prophétie de Daniel, est un personnage énigmatique, voire un personnage composite, mais un personnage divin qui est au bout du compte justifié et glorifié par humilité abjecte, par souffrance et par abnégation.

Jésus déclare catégoriquement que le Fils de l’homme doit souffrir. Pierre et les autres, bien sûr, avaient vu beaucoup d’hostilité dirigée envers Jésus par les autorités religieuses, voire par des démons. Donc, les prédictions de leur Maître sur davantage d’hostilité venant du monde religieux ainsi et du monde démoniaque n’auraient pas été surprenantes.

Mais Jésus disait beaucoup plus que ça. Il ne présumait pas simplement qu’il n’y aurait qu’une répétition de la précédente opposition. Il affirmait que plus de souffrance du Fils de l’homme était inévitable. Son exécution était une nécessité. Non seulement il pouvait tirer des conclusions et s’apercevoir qu’il était sur une trajectoire de collision avec les rationalisations intéressées du ‘bon et respectable’ establishment juif, mais il pouvait voir également qu’il heurtait aux projets intéressés de l’establishment romain ‘sale’ et méprisé. Donc, la souffrance était en effet inévitable – une nécessité. D’ailleurs, sa souffrance jusqu’à la mort était inévitable parce qu’il était venu en tant que Serviteur souffrant – pour donner sa vie en rançon pour autrui. Il était venu pour mourir afin que d’autres puissent vivre.

Mais les gens naïfs et conventionnels ne voient pas la gravité fatale du péché. Nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes du péché en décidant de nous amender et de faire une cure. Le salut des pécheurs exige le sacrifice de ce qui est sans péché. Les simples ajustements moraux ne peuvent pas guérir la mortalité. Nous sommes morts dans le péché et avons besoin de prendre vie. Pierre ne comprend pas encore cela. Il recule devant les propos de Jésus sur sa mort violente. Donc, il réprimande Jésus. Et Jésus doit le réprimander :

« Arrière, ‘Satan’! Éloigne-toi de moi! Car tes pensées ne sont pas celles de
Dieu; ce sont des pensées tout humaines. »

Notre familiarité avec ces paroles de Jésus pourrait nous empêcher de les entendre aussi bien que nous devrions les entendre. Les ayant si souvent entendues, nous ne comprendrons peut-être pas à quel point elles semblaient dures à ces premiers disciples de Jésus. Car, pour les disciples du Fils de l’homme, toute souffrance que l’avenir réservait à leur Maître leur semblait également réservée. Pas étonnant que Pierre réprimande son Maître et son Messie dont la pensée était renouvelée.

Pierre n’était pas seulement motivé par la crainte d’un avenir périlleux. Même un simple pêcheur juif avait des arguments théologiques de son côté. Jésus ne lui avait-il pas dit qu’il avait été juste d’affirmer pour des raisons surnaturelles que Jésus était bien le Messie ? Alors, comment était-il donc même possible que les responsables du peuple, les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi – le sanhédrin tout entier – s’opposent au Libérateur oint de Yahvé ? Et comment était-il même possible que la force puissante de la Rome païenne puisse vaincre la force plus puissante du Messie du Tout-Puissant ? C’est sûr que le Messie du Seigneur souverain ne souffrirait pas et ne serait pas tué ! Quel type de Messie serait mis à mort ?

Voyez-vous pourquoi il faut nous rappeler par l’Écriture – directement et indirectement – que, comme Jacques pouvait finalement l’écrire par l’inspiration de l’Esprit de Dieu : « nos pensées ne sont pas les pensées de Dieu, et nos voies ne sont pas ses voies » ? (3,15)

Il est si facile de croire que Dieu pense comme nous, qu’Il voit les choses exactement comme nous, qu’Il devrait faire ce que nous jugeons convenable, et que, si – pour quelque raison inconnue – Dieu ne le fait pas, ce serait tellement mieux si seulement il le faisait. Or, ce « raisonnement » semble bête, n’est-ce pas ? Mais c’est si souvent exactement ce que nous pensons, non ? Et nous pensons ainsi parce que – aussi curieux que cela paraisse en perspective – nous sommes convaincus de notre propre idée de comment les choses devraient être. Mais nous ne sommes ni assez bon, ni assez intelligent pour surpasser la bonté et l’intelligence de Dieu. Il est dommage de constater que nous sommes trop méchants et trop bêtes pour mieux faire ou pour mieux savoir, mais c’est comme ça.

Donc, les premiers disciples, eux aussi, ne comprenaient rien encore. Ils ne comprenaient pas encore que Jésus renverse tout – y compris les suppositions théologiques – afin de tout redresser. Il révise le sens du terme « Messie », rejetant toutes les suppositions intéressées des nationalistes égocentriques d’une libération militaire. Jésus affirme que, en sa qualité de Messie, il continuera d’être rejeté par les responsables religieux et qu’il sera plus que simplement rejeté, il sera tué. Cela ne ressemblait pas à la bonne nouvelle. Cette nouvelle était tellement mauvaise qu’on se demande s’ils l’avaient même entendu ajouter, de façon presque désinvolte, qu’après sa mort il serait ressuscité des morts ? Mais tout ce qu’ils paraissaient entendre étaient ses propos indésirables sur la souffrance et la mort.

Rien d’étonnant que la réaction immédiate de Pierre soit une réprimande : « Pas question ! ». Et rien d’étonnant que la réaction immédiate de Jésus soit une réprimande du même acabit : « Dégage ! »

Pierre voulait emprunter son propre chemin – le chemin qui échapperait à la mort. Mais son chemin n’aurait pas échappé à la mort. C’était la mort. Point final. Le chemin de Pierre était un cul-de-sac. Le chemin de Jésus était la fin de la mort. Jésus refusa d’échapper à la mort. Il allait aborder le problème de la mort de front et continuer à travers la mort jusqu’à la Vie Lui-même.

Mais ne pensez-vous pas que nous nous serions rangés du côté de Pierre ? Ne pensez-vous pas que nous, nous aussi, aurions réprimandé Jésus : « Pas question, Jésus ! » ? Si nous en doutons, nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Comment aurions-nous pu ne pas nous accrocher à nos propres projets et à nos propres idées préconçues sur comment les choses devraient arriver selon nos intérêts ? Comment aurait-il été possible de changer de projet et d’idées préconçues – voire de prières – afin de se ranger du côté de Celui qui parlait de la nécessité d’aller directement à la souffrance et à la mort ?

Evidemment, vue de loin, nous savons maintenant comment les choses finirent alors. Il est donc facile pour nous de prétendre que nous aurions pris le parti de la réprimande de Jésus plutôt que celle de Pierre. À l’époque, Pierre ne savait pas encore à quel point les choses finiraient dans la gloire. En se concentrant sur ses propres craintes et désirs, il s’empêcha lui-même de voir au-delà de lui-même.

Mais la réprimande de Jésus le mit au défi de se méfier de son propre chemin, de se fier au chemin de Jésus et de risquer d’avoir tort – et d’être tué, avec un ‘Messie’ tué.

À présent, nous ne pouvons pas encore dire que nous voyons avec certitude comment les choses finiront, parce que nous marchons, comme nous devrions le faire, par la foi, non par la vue. Mais, contrairement à Pierre et aux autres premiers disciples, nous revenons maintenant sur le fait de la résurrection de Jésus. Donc, en tant que « fous pour le Christ », nous « risquons » maintenant d’avoir « tort » sous les regards désapprobateurs d’un monde rejetant.

Là-dessus, Jésus appela la foule ainsi que ses disciples et leur dit: « Si
quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix
et qu’il me suive. En effet, celui qui est préoccupé de sauver sa vie la perdra
; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera. Si
un homme parvenait à posséder le monde entier, à quoi cela lui servirait-il,
s’il perd sa vie? Et que peut-on donner pour racheter sa vie? »

Jésus leur dit que tous ceux qui veulent le suivre dans le salut promis du règne de Yahvé doivent, de même, d’abord perdre leur vie à eux. Une telle mauvaise nouvelle n’était pas ce que la venue du Messie était censé représenter. Ce n’était pas calculé pour superficiellement gagner des convertis à ce qu’ils avaient cru être la cause. S’il allait mourir, qui resterait-il à suivre, au juste ? Et ce qu’il avait dit au sujet d’une résurrection était tout simplement trop incompréhensible pour avoir un sens du tout. Les voilà sur l’étape finale de leur voyage, plus perplexes et réticents que jamais.

Toutefois, bien sûr, le sacrifice de soi est ce que Jésus avait toujours représenté. Et alors, n’était-il pas approprié que le sacrifice de soi serait ce que ses disciples représenteraient ? La réponse appropriée au Sauveur qui renonce à lui-même était que ses disciples feraient de même. ‘Suivre’ Jésus voulait dire suivre Jésus. Mais ce n’est pas ce qu’ils entendaient par ‘suivre’.

Jésus prévient qu’il y aura des temps très durs à venir pour ceux qui le suivraient. Et, en fait, en fin de compte, Pierre et tous les disciples allaient rencontre une mort violente pour avoir suivi Jésus. Jacques allait être le premier. Quelques années après seulement, il allait être décapité à Jérusalem. (Actes 12,2)

Remarquez maintenant que le sacrifice de soi à laquelle Jésus appelle ses disciples n’est pas simplement de la victimisation passive. On doit activement renoncer à soi-même. On est appelé à éliminer tout ce qui en soi s’interposerait entre soi-même et Jésus. Les disciples de Jésus sont appelés à se charger de leur croix et à suivre ses pas sanglants.

Il est clair que lorsque Jésus parle de « renoncer à soi-même » et « se charger de sa croix », il ne parle pas des problèmes communs que les gens ont tendance à appeler « se charger de leur croix ». Le sacrifice de soi à laquelle on est appelé n’a rien à voir avec renoncer au luxe pour le Carême. Renoncer au luxe pour le Carême est vivre selon ses moyens. Et le sacrifice de soi n’a rien à voir avec renoncer aux frites grasses. Ça, ça s’appelle se mettre au régime. Pour un disciple du Christ, le sacrifice de soi est la renonciation quotidienne à sa prétendue vie égocentrique. Le sacrifice de soi veut dire la fin de M et Mme Moi-moi-toujours-moi.

Et, bien entendu, être un disciple par le sacrifice de soi n’est pas un moyen de rendre Jésus redevable envers nous. Ce n’est pas un moyen de convaincre Jésus de nous suivre ; c’est le moyen de suivre Jésus – le Chemin à travers la mort jusqu’à La Vie Lui-même.

Comme nous étudions hier soir, nos frères Charles, John, William et Francis savaient bien douloureusement ce que ça voulait dire que de se sacrifier pour son Sauveur. Et ils connaissaient la persécution terrible qu’ils subissaient à cause de leur identification avec Jésus. Ils étaient agressés. On mentait à leur sujet. On les ridiculisait. Ils souffraient physiquement, économiquement, professionnellement, mentalement et – oui – spirituellement.

Et toutefois, paradoxalement, en renonçant à leur faux soi, ils recevaient leur vrai soi. En se chargeant de leur croix pour le Christ et pour l’évangile, ils prenaient part à la souffrance de leur Sauveur pour le monde comme ils cherchaient à prendre part au salut de leur Sauveur avec le monde.

Tous ceux qui viennent au Christ font de même – que leurs noms soient aussi célèbres que ces frères ou non. Partout dans le monde, des chrétiens anonymes – bien que nous nous retrouvions ici en sécurité – sont torturés et tués pour leur foi en Christ. Et ils répondent à un tel traitement avec de la patience et de l’amour indulgent, récompensant leurs oppresseurs avec du bien au lieu du mal.

Jean Calvin résuma le mode de vie chrétien en citant la vérité biblique : « Nous n’appartenons pas à nous-mêmes ». Cette phrase est aussi étrange aujourd’hui qu’elle l’était du temps de Calvin, ou de Wesley ou de Newton. Nous n’appartenons pas à nous-mêmes – et cependant, comme l’ajouta Calvin : « Nous ne sommes pas seuls » non plus. Nous suivons Quelqu’un !

Mais un concept du monde basé sur le sacrifice de soi est en désaccord avec le concept du monde de ce monde-ci – même dans les églises et dans les vies de beaucoup de ceux qui se disent « chrétiens ». On le prend pour de l’absurdité, pour du fanatisme, pour un symptôme de la haine de soi et d’une piètre opinion de soi-même. Nous avons l’habitude d’entendre que « vous méritez le meilleur » et, bien sûr, nous définissons « le meilleur » comme la complaisance envers soi-même dans nos désirs égoïstes. Nous pensons de façon narcissique – moi avant toi. Nous pensons de façon nationaliste – nous avant eux.

Mais nous qui sommes appelés par le nom du Christ, nous sommes baptisés dans une mort – la mort du Christ, pour que nous soyons ressuscités vivants dans la vie du Christ. Nous sommes « enterrés dans les eaux du baptême » – voilà comment nous les chrétiens l’exprimons. Nous sommes déjà morts et enterrés avec le Christ, et nous sommes déjà ressuscités avec le Christ !

La locution « enterrés dans les eaux de baptême » reçoit du punch imprévu dans « La rivière », une nouvelle de Flannery O’Connor. Elle traite d’un petit garçon négligé qui s’appelait Harry. On l’emmène à un rivière boueuse pour être baptisé par un prédicateur. Le petit Harry se donne lui-même le prénom du prédicateur, ‘Bevel’. Mais il est encore insatisfait d’une certaine manière. Et alors, le lendemain, déterminé à faire de son mieux pour trouver ce Royaume du Christ qu’on lui avait promis, il quitte ses parents, qui ont la gueule de bois, et se met en route pour trouver ce Royaume du Christ dans la rivière.

Quand il l’atteint, O’Connor écrit : « il bondit dans la rivière sans ôter ni ses chaussures ni sa veste ». Dans un aparté sacré, elle note « les cimes des arbres » entourant la scène – son récurrent rappel littéraire de l’horizon entre ce monde et un Autre Monde. Elle écrit alors : « Sa veste flottait sur la surface et l’entourait comme une étrange et joyeuse feuille de nénuphar, et il se tenait debout, souriant au soleil. Il avait l’intention de ne plus se tracasser avec des prédicateurs, mais de se baptiser lui-même et, cette fois-ci, de continuer jusqu’à ce qu’il eût trouvé la Royaume du Christ dans la rivière. Il mit aussitôt sa tête sous l’eau et poussa en avant ». Il devait redoubler ses efforts pour lutter contre la rivière, semblait-il, en effet, selon O’Connor : « La rivière ne le voulait pas ». Enfin, « il plongea sous l’eau et, cette fois-ci, le courant qui l’attendait l’attrapa comme une longue main douce et le tira rapidement en avant et vers le bas. Pour un instant il était saisi de surprise ; et alors, comme il avançait vite et savait qu’il était en bonne voie, toute sa fureur et toute sa peur le quittèrent ».

Que pensez-vous d’un tel enterrement véritable dans les eaux de baptême ? Si un ego vit encore, il ne peut pas y avoir de candidat au baptême. Seul un ego qui est mort à lui-même, enterré avec le Christ crucifié, peut, avec le Christ ressuscité, être ressuscité des morts. La noyade du petit Bevel peut nous choquer, mais l’appel du Christ est effectivement mortel. Mais il nous mène à travers la mort jusqu’à la vie éternelle.

Et Paul d’exhorter les chrétiens : « par la miséricorde de Dieu, offrez vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. C’est là votre service raisonnable. Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde. Soyez transformé en laissant votre perception du monde être totalement renouvelée ». (Romains 12,1-2)

Pas étonnant qu’une mosaïque dans les vestiges d’une ancienne église à Megiddo fasse allusion à une « table », non à un « autel » – une table pour du pain et du vin, en souvenir du Sacrifice accompli. Christ est mort pour nous ; nous pouvons maintenant vivre pour lui.

Donc, la perte de tout ce qui peut sembler tant être ‘moi’ a lieu, après tout, afin que je puisse être le vrai moi, le moi que Dieu a créé et racheté, « Christ en moi, l’espérance de gloire », comme le dit Paul. (Col 1,27)

© 2007, Ralph Blair, tous droits réservés. (Traduction : F.W.)

Aucun commentaire: