dimanche 23 novembre 2008

La Bible est un placard vide

(The Bible Is An Empty Closet)

par Ralph Blair

« Les questions relatives à l’homosexualité sont très complexes et ne sont pas comprises par la plupart des membres de l’Église chrétienne », affirme Bernard Ramm du American Baptist Seminary of the West. Cet érudit évangélique de l’interprétation biblique l’indique : « Pour eux, elle est une forme abjecte de perversion sexuelle condamnée tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament ». Mais comme le dit Marten H. Woudstra, spécialiste de l’Ancien Testament au Calvin Theological Seminary : « Il n’y a rien dans l’Ancien Testament qui corresponde à l’homosexualité comme nous la connaissons aujourd’hui » et selon Victor Paul Furnish, spécialiste du Nouveau Testament au Southern Methodist University : « Il n’y a aucun texte se référant à l’orientation homosexuelle dans la Bible ». Comme le constate Robin Scroggs de l’Union Seminary : « Les jugements bibliques contre l’homosexualité ne sont pas adaptés au débat actuel. On ne devrait plus les employer … non parce que la Bible n’est pas l’autorité définitive, mais simplement parce qu’elle ne traite pas les questions soulevées. … Aucun auteur du Nouveau Testament ne considère [l’homosexualité] assez importante pour donner sa propre opinion sur le sujet ». Comme l’exprime Helmut Thielicke, théologien évangélique : « On est libre de discuter de ... l’homosexualité ... seulement quand on se rend compte que même le Nouveau Testament manque d’une déclaration normative évidente en ce qui concerne cette question. Même le type de question auquel nous sommes arrivés ... doit être, pour des raisons purement historiques, étranger au Nouveau Testament ».

Les idées et les compréhensions de la sexualité ont beaucoup changé au cours des siècles. Ceux qui vivaient dans les périodes bibliques ne partageaient pas notre connaissance des différentes pratiques sexuelles; nous ne partageons pas leur expérience. À cette époque il n’y avait aucun rendez-vous amoureux comme nous le connaissons aujourd’hui; les pères arrangeaient les mariages. Les anciens, comme le constate David Halperin du Massachusetts Institute of Technology, « concevaient la ‘sexualité’ en termes non-sexuels : ce qui était fondamental dans leur expérience sexuelle n’était pas quelque chose que nous considérerions comme essentiellement sexuel : plutôt il s’agissait de quelque chose d’essentiellement social – à savoir, les catégories des relations de pouvoir qui ont nourri et ont structuré l’acte sexuel ». Dans le monde antique, le sexe n’est « pas intrinsèquement relationnel ou accompli en collaboration; il est, de plus, une expérience profondément polarisante : il sert à séparer, classifier et à répartir ses participants en catégories distinctes et radicalement dissemblables. Le sexe possède cette capacité, apparemment parce qu’il se conçoit comme étant à la fois concentré essentiellement sur et défini par un geste asymétrique – la pénétration du corps d’une personne par le corps, et, spécifiquement, par le phallus d’une autre. [Pour un citoyen] les cibles appropriées du désir sexuel comprennent, en particulier, la femme, le garçon, l’étranger, et l’esclave – dont tous ne possèdent pas les mêmes droits et privilèges légaux et politiques que lui ». Dans des études sur le sexe dans l’histoire, John Winkler, spécialiste de l’Antiquité Classique au Stanford University, nous déconseille de « trouver des questions et problèmes politiques contemporains se cachant dans des textes et des objets antiques sortis de leur contexte social ». Bien sûr, voici un principe de base de l’herméneutique (interprétation) biblique. Cependant, quelques prêcheurs continuent encore à employer certains versets bibliques pour attaquer les lesbiennes et les gays. Examinons de plus près ces versets.

Genèse 1,27

« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa ».

Ce verset célèbre la création délibérée et égale par Dieu des personnes qui sont masculines et celles qui sont féminines. Un tel sens de création égale entre les sexes n’était pas typique dans le monde antique. Comme le constate Douglas J. Miller, professeur au Eastern Baptist Seminary : « On aurait tort de chercher … dans les premiers chapitres de la Genèse … des idées grossières de la loi naturelle. ... Cette approche [soutient] le modèle éthique ‘physique’ sur lequel l’hétérosexisme est établi. ... Cette approche de la création se base sur l’anachronisme évident créé par l’introduction des définitions de la nature du 13e siècle dans des textes hébraïques antiques. » Ceux qui emploient Genèse 1,27 contre les homosexuels devraient constater la déclaration dans Galates 3,28 où Paul insiste qu’il n’y a plus de signification théologique à la paire hétérosexuelle « homme et femme ». D’après F.F. Bruce, érudit Pauline évangélique : « Ici Paul énonce le principe fondamental; si des restrictions à cet égard sont trouvées ailleurs … elles doivent être comprises par rapport à Galates 3,28, et non vice versa ».

Genèse 19 (cf. 18,20)

L’histoire de Sodome et de l’obligation de Loth d’être hospitalier envers ses invités.

Selon William Brownlee, érudit biblique évangélique : « Dans la Genèse la ‘sodomie’ (supposée) est essentiellement l’oppression des faibles et des impuissants; et l’oppression de l’étranger est l’élément essentiel de Genèse 19,1-9 ». John Boswell du Yale University le constate : « Sodome est employé comme symbole du mal dans des douzaines de passages [de la Bible] mais le péché des Sodomites n’est qualifié d’homosexualité dans aucun exemple ». Écoutez le prophète Ezéchiel (16,48-49) au sujet du péché de Sodome : « Par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé ... Voici quelle fut la faute de Sodome ta sœur : orgueil, voracité, insouciance tranquille, telles furent ses fautes et celles de ses filles; elles n'ont pas secouru le pauvre et le malheureux, elles se sont enorgueillies et ont commis l’abomination devant moi ». (cf. Mt 10,15) Les hommes de Sodome ont essayé de dominer les étrangers à la maison de Loth en les soumettant à l’abus sexuel. La motivation pour une telle tentative de viol collectif est l’humiliation et la violence, non l’affection homosexuelle.

Lévitique 18,22 (20,13)

« Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination ».

« Abomination » (TO’EBAH) est un terme technique cultique qualifiant celui qui est rituellement impur, comme le tissu mixte, le porc, et les rapports sexuels avec des femmes en menstruation. Ce terme n’a pas de rapport avec un problème de morale ou d’éthique. Ce Code de Sainteté (chapitres 17-26) interdit à un homme de coucher « avec un homme comme on couche avec une femme ». On considérait comme pollution un tel mélange des rôles sexuels. Mais même Jésus et Paul ont tous deux rejeté toutes ces formes de distinctions rituelles. (Cf. Mc 7,17-23; Rom 14,14&20) Le Fundamentalist Journal avoue que ce Code condamne « les pratiques idolâtres » et « l’impureté rituelle » et conclut : « aujourd’hui nous ne sommes pas tenus par ces commandements ».

Deutéronome 23,17-18

« Il n’y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, ni de prostitué sacré parmi les fils d’Israël ».

Ces termes, KEDESHA et KADESH, signifient littéralement « saint » ou « sacré ». Il n’y a aucun dérivé hébreu du mot « Sodome » dans cet extrait; la Bible anglaise « King James » l’a erronément traduit. Ici les mots hébreux font référence aux prêtresses-prostituées « sacrées » (féminines et d’eunuques) des cultes cananéens de fertilité, qu’Israël devait à tout prix éviter. D’ailleurs, comme le constate George R. Edwards, érudit biblique du Louisville Presbyterian Seminary : « Aucun prophète n’emploie le substantif signifiant ‘prostituée masculine de culte’ ni parle de l’activité d’une telle personne. En fait, au sujet d’actes homosexuels, les prophètes sont aussi silencieux que la tradition entière de l’enseignement de Jésus dans le Nouveau Testament. C’est », soutient-il, « un silence très significatif ».

Romains 1,26-27

« Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes : car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; pareillement les hommes, délaissant l’usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétrant l’infamie d’homme à homme et recevant en leurs personnes l’inévitable salaire de leur égarement ».

Se tournant vers les écritures de Paul, V.P. Furnish éclaire la question : « Puisque Paul n’a offert aucun enseignement direct à ses propres églises concernant le comportement homosexuel, il est certain que ses lettres ne peuvent produire aucune réponse spécifique aux questions qui se posent à l’église moderne. ... Pour Paul, ni la pratique de l’homosexualité, ni la promiscuité hétérosexuelle, ni n’importe quel autre vice spécifique n’est défini en tant que tel comme étant un ‘péché.’ À son avis le péché fondamental dont tous les maux particuliers découlent est l’idolâtrie – l’adoration de ce qui est créé plutôt que le Créateur, soit une idole en bois, soit une idéologie, soit un système religieux, soit un certain code moral particulier ».

Dans Romains 1, Paul ridiculise la rébellion religieuse païenne, en disant qu’ils connaissaient Dieu mais adoraient des idoles plutôt que Dieu. Pour construire son raisonnement, ce qu’il tournera contre les moralisateurs juifs au 2e chapitre, il fait allusion aux pratiques typiques des cultes de fertilité impliquant des pratiques sexuelles entre des prêtresses, et entre des hommes et des eunuques-prostitués comme ceux qui servaient la déesse Aphrodite en Corinthe, d’où il a écrit cette lettre aux Romains. Leurs rites d’auto-castration ont eu comme conséquence une « pénalité » corporelle. Comme l’explique Catherine Krueger dans le Journal of the Evangelical Theological Society : « Les hommes portaient des voiles et les cheveux longs pour indiquer leur dévotion envers la déesse, alors que les femmes employaient le dévoilement et les cheveux courts pour indiquer la leur. Les hommes se faisaient passer pour des femmes, et dans une peinture rare sur un vase de Corinthe, une femme porte un pantalon de satyre équipé de l’organe masculin. Ainsi elle danse en présence de Dionysos, une déité qui avait été élevée comme une fille et était elle-même appelée mâle-femelle et ‘homme simulé’ ». Krueger poursuit : « Le changement de sexe qui caractérisait les cultes de telles grandes déesses comme Cybèle [Aphrodite, Ishtar, etc.], la déesse syrienne, et Artemis d’Éphèse était plus effroyable. Les mâles se sont volontairement châtrés et ont porté des vêtements de femmes. Un bas-relief de Rome dépeint un grand-prêtre de Cybèle. Le prêtre châtré porte un voile, des colliers, des boucles d’oreille et une robe féminine. Il est considéré comme ayant échangé son identité sexuelle et comme étant devenu une prêtresse ». Comme tels, ces prostitués religieux s’engageaient dans des orgies de même sexe dans les temples païens tout au long des côtes parcourues par Paul au cours de ses voyages missionnaires. « Le concept de l’homosexualité compris par Paul », comme l’indique Thielicke, « était un de ceux affectés par l’atmosphère intellectuelle entourant la lutte avec le paganisme grec ». Scroggs remarque : « les illustrations sont secondaire à la structure théologique élémentaire [de Paul] » (cf. 3,22b-23, la sommaire de Paul), et Furnish ajoute : « la pratique de l’homosexualité en tant que telle n’est pas le sujet de discussion ». Ce que décrit Paul dans le premier chapitre de Romains, ne s’agit-il pas des orgies païennes qu’il cherche à ridiculiser plutôt que l’amour et le soutien mutuel dans la vie domestique des lesbiennes et des gays d’aujourd’hui?

1 Corinthiens 6,9 & 1 Timothée 1,10

Les références de Paul à malakoi et à arsenokoitai.

Gordon D. Fee, professeur évangélique du Nouveau Testament au Regent College, est d’avis que ces deux termes sont « difficiles ». Le Fundamentalist Journal l’admet : « Il est difficile de traduire ces mots ». Concernant arsenokoitai, Fee le constate : « C’est la première apparition en littérature préservée, et les écrivains suivants sont peu disposés à l’employer, particulièrement pour la description de l’activité homosexuelle ». Scroggs l’explicite : « Paul ne fait allusion qu’à des pédérastes. … Il n’y avait aucune autre forme d’homosexualité masculine dans le monde Greco-Romain qui pourrait venir à l’esprit ». Les sources antiques indiquent que les malakoi étaient des garçons-prostitués efféminés. Bien que Paul semble avoir inventé arsenokoitai, ce terme se réfère, peut-être, aux clients des garçons-prostitués, bien que personne ne puisse être ici affirmatif. Toutefois, l’essentiel est clair : les chrétiens qui se diffament et s’intentent des procès dans les tribunaux païens les uns contre les autres sont aussi honteux que des voleurs, des ivrognes, des gloutons, et les malakoi et les arsenokoitai (quels qu’ils soient). L’autre sorte de pédéraste au temps de Paul était un adulte mâle qui exploitait sexuellement des esclaves qui étaient ses « mignons ». Les garçons désirés étaient pré-pubères ou au moins imberbes de sorte qu’ils ressemblaient à des femmes. Ces hommes se mariaient avec des femmes pour percevoir une dot, procréer et pourvoir à l’éducation des héritiers. Pour le sexe ils avaient des « mignons » – ce qui est éloigné de l’image des couples homosexuels d’aujourd’hui.

La Bible est un placard vide. Elle n’a rien de spécifique à dire au sujet de l’homosexualité en tant que telle. Mais la Bible a beaucoup à dire au sujet de la grâce de Dieu pour tout le monde et de Son appel à la justice et compassion. Jésus a résumé la loi de Dieu dans ces mots de l’Écriture Sainte : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. … [et] tu aimeras ton prochain comme toi-même ». (Mt 22,37-39)

© Ralph Blair, tous droits réservés (Traduction : Fred Wells)

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