mardi 18 novembre 2008

2007 Festival de Prédication #3 (Blair)

Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa troisième annonce

[Ce discours-ci est le dernier des trois prononcés par le Dr Ralph Blair au Festival de Prédication d'Evangelicals Concerned en october 2007. Je remercie Jean V. de son aide précieux en relisant et en corrigeant le texte. – F.W., traducteur]

Marc 10, 28-45


Alors Pierre demanda, « Et nous? Nous avons tout quitté pour te suivre ». Jésus répondit, « Vraiment, je vous l’assure : si quelqu’un quitte, à cause de moi et de l’Evangile, sa maison, ses frères, ses sœurs, sa mère, son père, ses enfants ou ses terres, il recevra cent fois plus dès à présent: des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants, des terres, avec des persécutions; et, dans le monde à venir, la vie éternelle. Mais beaucoup qui sont maintenant les premiers, seront les derniers, et beaucoup qui sont maintenant les derniers, seront les premiers ».

Ils étaient en route pour monter à Jérusalem. Jésus marchait en tête. L’angoisse s’était emparée des disciples et ceux qui les suivaient étaient dans la crainte.

Jésus prit de nouveau les Douze à part, et il se mit à leur dire ce qui allait arriver, « Voici : nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme y sera livré aux chefs des prêtres et aux spécialistes de la Loi. Ils le condamneront à mort et le remettront entre les mains des païens. Ils se moqueront de lui, lui cracheront au visage, le battront à coups de fouet et le mettront à mort. Puis, au bout de trois jours, il ressuscitera ».

Alors Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchèrent de Jésus et lui dirent, « Maître, nous désirons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander ». « Que désirez-vous que je fasse pour vous ? » leur demanda-t-il. Ils répondirent, « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche lorsque tu seras dans la gloire ». Mais Jésus leur dit, « Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous demandez ! Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou passer par le baptême que j’aurai à subir ? » « Oui, lui répondirent-ils, nous le pouvons ». Alors Jésus reprit, « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire, et vous subirez le baptême par lequel je vais passer, mais quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient
pas de vous l’accorder : ces places reviendront à ceux pour qui elles ont été préparées.

En entendant cela, les dix autres s’indignèrent contre Jacques et Jean. Alors Jésus les appela tous auprès de lui et leur dit : « Vous savez ce qui se passe dans les nations : ceux que l’on considère comme les chefs politiques dominent sur leurs peuples et les grands personnages font peser leur autorité sur eux. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ! Au contraire: si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon pour beaucoup ».

Ils étaient en route pour monter à Jérusalem. Jésus marchait en tête, devant eux. Les disciples étaient étonnés, les autres apeurés.

Marc décrit Jésus comme devançant ses disciples et les autres – les devançant non seulement en comprenant l’objectif devant lui, mais aussi dans une détermination implacable à y parvenir.


Jésus prit de nouveau les Douze à part, et il se mit à leur dire ce qui allait arriver.
Encore une fois, Marc constate que Jésus parlait en privé avec son cercle rapproché de disciples. Il les préparait pour ce qui allait arriver à Jérusalem. Il répéta ce qu’il leur avait dit dans ses deux premières divulgations. Il leur dit : Écoutez donc. Comme je vous ai dit, gardez tout cela à l’esprit.


« Nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme y sera livré aux chefs des prêtres et aux spécialistes de la Loi. Ils le condamneront à mort ».
Mais Jésus ajouta alors de nouveaux renseignements rendant la nouvelle encore plus alarmante. La force militaire de l’empire romain allait être impliquée. Il dit que les autorités juives allaient le condamner à mort et s’assurer que la sentence de mort serait exécutée, car les membres du Sanhédrin


… le remettront entre les mains des païens. Ils se moqueront de lui, lui cracheront au visage, le battront à coups de fouet et le mettront à mort.
Et, bien sûr, la force occupante de la Rome païenne avait l’autorité et le moyen de le faire. Les Romains maîtrisaient l’art cruel de la crucifixion. Jésus répéta alors sa promesse incompréhensible :


« Au bout de trois jours, il ressuscitera ».
Mais immédiatement, Marc concentre son attention sur une grave erreur de deux des disciples les plus proches de Jésus. Comme Marc le rapporte :


Alors Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchèrent de Jésus.

Ils essayaient de détourner Jésus de sa vocation de sacrifice pour promouvoir leurs desseins intéressés. Ils fermaient les yeux sur ses prédictions de danger, se concentrant sur leurs présomptions que l’oppression romaine (quel que soit le prix qu’il allait payer, lui) serait contrée par ce qu’ils prenaient pour son ‘ascension’ au pouvoir politique.

Or, rappelez-vous qui étaient ces deux gars-là. En tant que cousins de Jésus, ils le connaissaient depuis plus longtemps qu’aucun autre disciple. Et avec Pierre, depuis trois années ils étaient plus proches de Jésus qu’aucun autre disciple. Et tout récemment, ils avaient tous deux eu le privilège d’être présents à la Transfiguration de Jésus, où ils avaient entendu Jésus parler avec Moïse et Élie. Ils avaient vu le législateur et le prophète d’Israël disparaître devant la gloire éclatante de Jésus. Seul Jésus était resté. Ils avaient entendu alors la Voix de Dieu confirmer que Jésus est bien Son Fils qu’Il aime. La Voix leur avait dit d’écouter Jésus. Mais eux, ils demandaient à Jésus de les écouter. C’est ce que nous avons tendance à faire, nous aussi, n’est-ce pas ? Nous aussi, nous essayons d’éclipser Jésus.
« Maître, nous désirons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander. »
Quelle façon astucieuse de procéder avec une proposition incorrecte ! Obtenez l’assentiment à l’avance que votre vœu sera exaucé avant d’oser révéler ce qu’il est – surtout quand votre vœu n’est pas exactement en accord avec l’enseignement de celui que vous appelez votre ‘Maître’, celui qui, vous l’espérez, exaucera votre vœu.

Le compte rendu que Matthieu fait de cet incident désigne en fait leur mère comme l’instigatrice – dominant ses fils comme un précurseur de Mama Rose[1]. Et comme indiqué, elle était la tante de Jésus, la sœur de sa mère. Sans aucun doute, Jacques et Jean comptaient donc sur ces « liens familiaux » pour s’attirer les bonnes grâces de Jésus.

Jésus répondit à leur demande d’exaucer leur vœu en leur demandant :

« Que désirez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui dirent :


« Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche lorsque tu seras dans la gloire ».
« Tu seras dans la gloire » ? Est-ce sa gloire à lui ou leur gloire à eux qu’ils avaient en tête ?

Ils étaient parents par le sang, et donc, ils se soutenaient, naturellement. Les Zébédée, liés par des liens de famille naturelle, étaient accaparés par leurs propres soucis.

Mais beaucoup plus tôt, ils avaient entendu Jésus définir sa « famille » comme « quiconque fait la volonté de Dieu ». (Marc 3,35) Et plus tard, au pied de la croix sanglante de Jésus, Jean allait se voir rappeler que les liens familiaux ne sont pas les liens les plus importants dans le Royaume de Dieu, en entendant Jésus lui confier sa propre mère chérie : « Voici ta mère » et le confier à Marie : « Voici ton fils ». On lit que dès ce moment, Jean prit la mère de Jésus chez lui. (Jean 19,27)

Mais en route pour Jérusalem, les Zébédée avaient d’autres idées sur la famille. Car, bien qu’ils appellent Jésus « Maître », ils ne prêtaient pas beaucoup d’attention à ses enseignements. Ou bien, ils ne prêtaient attention qu’à ce qui s’accordait avec ce qu’ils voulaient entendre. Ils restaient sourds à son enseignement sur quitter leur famille d’origine terrestre afin de devenir membre de sa famille d’origine céleste. Ils ne comprenaient pas sa redéfinition du mot « frère » selon ses termes et de l’accomplissement de la volonté de son Père divin. Et quant à tout ce que Jésus venait de dire – enregistré par Marc dans les phrases immédiatement précédentes – au sujet de ses vrais disciples qui quittent leurs frères, leurs sœurs, leur mère, leur père, leurs enfants, leur maison et leurs terres dans cet âge-ci afin de le suivre véritablement vers l’âge à venir, et de recevoir de nouveaux frères, sœurs, mères, pères, enfants, maisons et terres – tous multipliés – bien qu’avec aussi des persécutions ? Et la révélation à venir ajoutera l’ethnicité, l’identité raciale, la position sociale et le sexe à la préoccupation que nous abandonnons pour l’identité dans le Christ. Et quant à ce que Jésus avait dit au sujet de celui qui désire être le premier ? N’avait-il pas dit qu’il doit se faire le dernier de tous et le serviteur de tous ? Jésus va devoir le répéter ici.

Et, en accord avec leur obsession pour les idées de ce monde-ci, remarquez la façon dont ils exprimèrent si délicatement leur demande, de manière de ne pas se heurter l’un à l’autre. Il ne serait pas dans leur intérêt de spécifier – du moins à portée de voix de l’autre – exactement lequel d’entre eux allait être favorisé avec la position plus prestigieuse à la main droite de Jésus, contre la position moins prestigieuse à la main gauche de Jésus. Alors, cela servirait les intérêts de chacun – du moins, là, en présence l’un de l’autre – de laisser à Jésus ce détail des couverts.

Notez aussi : si ces deux ne croyaient déjà pas qu’ils ne suivaient pas Jésus aussi bien qu’ils le devraient, et s’ils ne s’imaginaient pas que les autres ne le croyaient pas non plus, pensez-vous qu’ils auraient parlé à Jésus en privé pour essayer de le pousser à se joindre à eux pour l’emporter sur les autres ? Ils trouvaient impossible de tenir pour acquis qu’ils étaient ce qu’ils essayaient de pousser Jésus à prétendre. Ils ne supposaient certainement pas que Jésus allait imaginer ce complot sordide de sa propre initiative. En tout cas, pensez-vous que, même s’il avait exaucé leur vœu, selon leurs propres conditions égocentriques, cela enlèverait le doute d’eux-mêmes qui les tenaillait ? Doutez-le !

Mais ils étaient sans doute plus conscients des déclarations de Jésus sur le premier et le dernier que leur manigance ne le suggère à première vue. À la lumière de sa norme, ils se sentaient incertains et peu sûrs d’eux-mêmes. Là-bas dans l’angle mort de Golgotha et encore trop tôt pour le lever du soleil du jour de Pâques, ils agissaient encore de connivence pour rendre Jésus redevable à eux et le mettre à leur disposition afin de gagner ses bonnes grâces. Ils ne voyaient pas alors qu’il s’était déjà consacré à payer leur dette, s’était déjà mis à la disposition d’un monde inique. Sa faveur ne serait pas gagnée avec avidité ni en empoignant. Elle serait accordée par grâce.

Si Jacques et Jean ont pu être si aveuglés, pourquoi supposons-nous que nous soyons exemptés d’aveuglement ? À moins que nous ne nous puissions nous voir nous-mêmes en eux, nous ne pourrons pas voir notre propre haine de nous-mêmes aveuglante, qui se fait passer pour quelque chose de mieux que notre opinion de nous-mêmes. Ainsi, pour nous, comme pour eux du côté brillant de la croix du jour de Pâques, c’est du point de vue de la providence de Dieu dans le Christ que nous nous voyons comme des pécheurs, pourtant sauvés par grâce.

Plus on lit les écrits de John Newton, plus on est impressionné par sa finesse psychologique et spirituelle. Écoutez ce qu’il dit sur l’aveuglement. C’est dans une lettre qu’il écrit en 1788, en rendant visite à Cowper et à d’autres amis dans sa vieille paroisse du Buckinghamshire.


« Tant que nous restons sur terre, nous sommes à l’école du Seigneur, et une leçon principale qu’il faut apprendre est une connaissance de nous-mêmes qui ne peut être obtenue que par expérience douloureuse. Ni livres, ni sermons, ni lettres ne peuvent nous l’apprendre. Et les observations que nous faisons sur autrui ne peuvent pas nous mener loin au-delà de la théorie, elles non plus. C’est une chose d’avoir des idées tolérables sur le cœur humain en général, mais connaître notre propre cœur, c’est tout à fait autre chose. La tromperie du cœur que nous permettons en mots lui permet de déguiser, de cacher et de masquer ses propres émotions, de telle sorte que le sens supposé que nous avons de sa tromperie soit souvent la chose exacte qui nous dupe ».
Il poursuit avec une illustration tirée de sa longue expérience en mer :


« On dit que la mer est trompeuse, et avec raison. Elle semble parfois tellement lisse et luisante que personne qui ne l’a pas essayée ne croirait qu’elle soit dangereuse ; mais cela, ce n’est que le calme. Une brise l’agite, et dans une tempête elle gronde et fait rage. Mais le cœur est plus trompeur que la mer. Il gronde et fait rage quand il paraît qu’il n’y ait aucun vent pour l’agiter ou éveiller le moindre soupçon. Si je me sens impatient et mécontent sous la pression de grandes difficultés, je suis susceptible de rendre la tempête responsable de toute l’agitation et d’excuser mon cœur qui me dit qu’il se comporterait mieux dans des circonstances plus favorables. Mais quand l’état des affaires est bien tranquille, quand je n’affronte aucune épreuve qui vaut la peine d’en parler, quand je me vois entouré de conforts, de sorte qu’étant juge dans mon propre cas je doive avouer que je jouis d’un sort très privilégié, et ne peux imaginer aucune personne sur terre avec qui je voudrais changer de place, si même ces bagatelles, aussi légères que l’air, suffisent à me bouleverser, et un mot ou un regard qui ne me plaît pas me rend pour l’instant insensible à chaque clémence imméritée, je trouve alors mon cœur vraiment trompeur. … Je voudrais que nous soyons meilleurs, mais il est important de savoir (pour autant que nous puissions le supporter) à quel point nous sommes vraiment méchants ».
Alors, voilà comment Jésus répondit à ces deux disciples aveuglés – et, par extension, à nous qui pouvons être aussi aveuglés qu’eux :


« Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous demandez ».
Ce n’était pas une réprimande sévère. À ce stade, à quoi cela servirait-il ? Il n’essayait pas de leur faire honte. Ils n’auraient pas pu le supporter. Leur complot montrait qu’ils étaient trop perdus pour vraiment comprendre. Jésus prit donc une approche douce, cherchant à les mener vers un meilleur chemin. Il leur demanda :



« Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou passer par le baptême que j’aurai à subir ? »
Et de même que nous pouvons lâcher la ‘bonne’ réponse – comme nous l’avons si follement et si fréquemment fait – ces deux frères lâchèrent leur ‘bonne’ réponse : « Oui ! » Et ils ne comprenaient même pas la question.

Quand Jésus parlait de ‘la coupe’, nous nous rappelons sa prière, en souffrant : « Père, éloigne de moi cette coupe ». Mais Jacques et Jean ne l’avaient pas lue.

Cependant, ils auraient dû se rendre compte que, dans le langage de leur temps, ‘boire la coupe’ était quelque chose de menaçant, une épreuve terrible. Ce n’était pas une invitation à « une tasse de thé avec des biscuits ». Il s’agissait d’une coupe de douleur, car elle se référait à la colère de Dieu.

Ce n’était donc pas une question à laquelle il faut répondre automatiquement, « Oui ! » La question aurait dû les stopper net. Mais ils ne faisaient pas attention – encore distraits par leurs visées égoïstes.

Et qu’est-ce que Jésus voulait dire par « le baptême que j’aurai à subir » ? Il ne pensait pas à quelques gouttes d’eau gentiment appliquées sur le front d’un petit bébé devant une congrégation approbatrice. Et Jacques et Jean auraient dû comprendre cela aussi. En Israël, le baptême était un symbole de la mort. D’après le psalmiste, « tous tes flots et tes lames ont déferlé sur moi ». Alors, Paul pouvait parler d’être « ensevelis avec le Christ par le baptême ». Plus tard, Luther allait appeler le baptême « la mort par noyade ». Et rappelez-vous petit Bevel[2]. Autrement dit, lorsque l’on est immergé dans les eaux de baptême, la vieille vie meurt, et lorsque l’on émerge des eaux de baptême, la nouvelle vie naît.

Bon, Jésus assura à Jacques et à Jean qu’en effet, ils allaient boire de sa coupe et être baptisés dans son baptême. Effectivement, le jour arriva où, pour satisfaire Annas, le grand-prêtre, et tout son entourage qui appartenait au parti puissant des sadducéens, le roi Hérode fit décapiter Jacques. Et Papias, au début du deuxième siècle, rapporte que Jean, lui aussi, fut tué dans la vendetta de l’establishment du Temple contre les disciples de Jésus.

Ainsi, admettant qu’ils allaient en effet boire de sa coupe et être baptisés dans son baptême – bien que, comme cela ne s’avéra, pas comme ils l’avaient envisagé – Jésus dit qu’il ne lui appartenait pas d’accorder les places d’honneur. Employant ‘le passif divin’[3] – il dit que cela appartenait au Père. Donc, en refusant humblement de s’emparer de ce qui appartenait à son Père, tout comme ils s’emparaient de ce qui ne leur appartenait pas, il se sacrifie lui-même encore pour leur intérêt et le nôtre.

Bien sûr, il était difficile de cacher une conspiration. Donc, les autres comprenaient ce que ces deux-là essayaient de faire. Et leur jalousie provoqua l’indignation qui aboutit à la division bien-pensante – ‘nous’ contre ‘eux’. Ils étaient tous des égocentriques qui cherchaient le statut social et le traitement spécial et immérité.

Jésus les convoqua pour leur apprendre encore une fois qu’ils ne devaient pas adopter des valeurs païennes, en essayant de l’emporter l’un sur l’autre. Il répéta la leçon sur la grandeur qu’ils avaient si vite oubliée.



« Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous ».
Ces paroles-là, leur semblaient-elles familières ? Elles étaient si scandaleuses quand ils les avaient entendues au début que, peut-être, ils les entendaient maintenant pour la première fois. Ou bien, peut-être qu’ils n’étaient pas encore prêts à les entendre.

Mais comme ils le savaient, être un serviteur voulait dire n’avoir aucune autodétermination. On était un « rien du tout » constamment à la disposition de quelqu’un d’autre. Ce n’était pas là le signe de grandeur dans l’Empire romain. Ce n’était pas le signe de grandeur parmi les autorités du Temple. Mais c’était et c’est toujours le signe de grandeur dans le Royaume de Dieu.

Pourtant, bien trop souvent, les chrétiens ne se sont pas montrés à la hauteur de cet appel à être le serviteur humble de tous. Quand le pape répéta récemment la prétendue suprématie de l’Église de Rome sur tous les autres chrétiens, les chrétiens protestants et orthodoxes orientaux levèrent les yeux au ciel. Comme c’est insensé pour l’Église de Rome de se vanter de la suprématie, quand – historiquement et politiquement – son affirmation reste couchée sur les cendres du prestige païen. Mais les non-catholiques, eux aussi, rationalisent leur dérobade devant l’appel à être des serviteurs. Leur ressentiment ne ressemble-t-il pas à celui d’autres disciples envers les Zébédée ?

Jésus appliqua son appel à être des serviteurs à lui-même quand il l’expliqua :


« … le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui-même … »
Et comment est-ce que le Fils de l’homme est venu pour servir ? Selon Jésus il est venu :


« … pour donner sa vie en rançon pour beaucoup ».
Or, en raison de leur aversion pour le sang de Jésus, les libéraux nient que Jésus a dit cela. Ils allèguent une séparation entre le service et le sacrifice. Pourtant, les deux sont bien liés dans le Serviteur souffrant d’Ésaïe 53, le modèle même qui se trouve derrière les paroles de Jésus. La quintessence du service est sacrifier sa vie pour autrui. Voilà ce que donner sa vie en rançon pour beaucoup veut dire.

Il ne fait aucun doute que, en employant le terme « rançon », il voulait dire qu’il était venu subir la mort que d’autres gens méritaient à cause de leurs péchés. Il est venu mourir pour les pécheurs, une mort de substitution, le sacrifice de sa vie à lui pour la vie des pécheurs. Ce modèle de l’expiation qui remplace la mort du coupable par celle de l’innocent était, évidemment, bien connu des disciples et de tout Juif. C’est là ce que leurs agneaux expiatoires avaient toujours signifié.

« Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde ! ». Voilà ce que Jean, le disciple, avait entendu Jean-Baptiste dire comme il avait désigné Jésus du doigt au bord du Jourdain. Et depuis lors, c’est ce que les chrétiens ont cru : Jésus, l’Agneau de Dieu, est celui qui enlève le péché du monde.

Mais, de nos jours, dans la théologie non biblique du protestantisme libéral, tout langage se référant à « l’Agneau de Dieu » est considéré comme politiquement incorrect. Ainsi, on rejette l’enseignement biblique que Jésus est venu mourir comme l’Agneau de Dieu sans tache pour nous racheter de notre péché et de la mort.

Dans leur dédain pour la présentation biblique de l’expiation par la substitution, les chrétiens libéraux la caricaturent comme étant de la maltraitance d’enfant. Deux d’entre eux la raillent ainsi : « la maltraitance d’enfant divine est exhibée comme rédemptrice, et l’enfant qui souffre ‘sans même élever la voix’ est célébré comme l’espoir du monde ». (Joanne Carlson Brown et Rebecca Parker) Leur interprétation moqueuse de l’Écriture n’arrive pas du tout à saisir la grâce glorieuse de Jésus comme l’Agneau de Dieu. Et ainsi, ils font trébucher et piègent les non informés, leur jetant des bouts de faux amour-propre au lieu de proclamer le pouvoir de Dieu pour sauver du péché et de la mort grâce à la mort de Jésus-Christ.

Les critiques dépeignent notre Père comme imposant ‘le mauvais traitement’ au fils parce qu’ils refusent de voir le Père ici en tant que Dieu le père, et refusent de voir le Fils ici en tant que Dieu le fils. Ils refusent de voir le Père, le Fils et l’Esprit comme étant dans une totale égalité, l’Amour trinitaire. Ils refusent de voir l’Amour trinitaire – décidant et agissant en complet accord – intérieurement et éternellement – pour concevoir, initier et réaliser le salut du monde. C’est l’insondable Mystère de la Miséricorde. Mais ce n’est pas de « la maltraitance d’enfant ». Les gens religieux mais non croyants ne croient pas cette explication parce qu’ils ne croient pas au Dieu trinitaire.

Pourtant, leurs critiques sont plus compliquées que cela. Ils haïssent l’enseignement biblique que nous sommes des « pécheurs » qui ont besoin de salut. Selon eux : nous sommes tous essentiellement bons, c’est « l’impersonnelle » injustice sociale systémique qui est mauvaise. Mais comment « l’injustice sociale systémique » est-elle perpétrée et perpétuée autrement que par des gens ? On ferait mieux de les reconnaître comme pécheurs, non ? Et qui parmi nous, tout en étant le responsable, ne s’est pas abaissé à la maltraitance égoïste et systémique d’autrui (et qui pourrait s’empêcher d’agir ainsi ?) – ainsi se révélant lui-même comme un pécheur ayant besoin de salut ?

Mais les chrétiens libéraux préfèrent un ‘Jésus’ qui correspond exactement à leur image imaginée – un sage ‘progressiste’ qui se heurte à la religion organisée et la dictature militaire. Ils promeuvent un ‘Jésus’ refaçonné selon leurs goûts plus à la mode – tiré d’un faux Évangile de Thomas, d’un faux Évangile de Judas. Le sacrifice sacré de Jésus est sacrifié sur des autels du jargon psychologique, de la ‘spiritualité’ et des platitudes de conformisme politique postmoderne.

La vérité de Jésus-Christ comme rançon est une question de justice rétributive et réparatrice. Sa crucifixion est la compensation qui est juste, qui est proportionnée aux catastrophes du péché et de la mort. Le péché est mortel ; la mort est définitive. Donc, une montagne d’excuses ne peut redresser un seul tort, ni ressusciter un seul pécheur mort.

Dans l’Israël ancien, on comprenait qu’en fin de compte, seul le Seigneur Lui-même pourrait ou allait apporter la justice. Dans le Deutéronome, on lit que le Seigneur dit : « À moi la vengeance et la rétribution ». (32,35) L’apôtre Paul cite ce passage de la Thora quand il demande aux chrétiens de ne pas se donner pour tâche de venger le mal qui se fait contre eux. (Romains 12,19) L’écrivain de l’Épître aux Hébreux le cite, lui aussi, quand il prévient de la gravité du cas de celui qui continue à vivre délibérément dans le péché. (10,30)

Dans les temps anciens, les malfaiteurs condamnés à la prison ou à l’esclavage étaient impuissants à se sauver eux-mêmes. Mais une rançon pouvait être payée à leur nom. Une rançon pouvait être payée à la victime pour que le malfaiteur puisse être délivré. La rançon était l’achat de la libération. Elle satisferait aux exigences de la justice. Le tort serait redressé. Aucune autre compensation ne serait due. Le malfaiteur serait enfin libre.

En Israël, le substitut d’un malfaiteur méritant la mort était la mort d’un agneau innocent. Et dans Ésaïe 53, Israël entendit que le Serviteur souffrant du Seigneur allait venir comme l’Agneau sacrificiel.

Et voici Jésus qui arrive. Comme le dit Jean-Baptiste, « Voici l’Agneau de Dieu ». Et Jésus se réfère à lui-même comme celui qui donne sa vie « en rançon pour beaucoup ».

« Beaucoup » était une façon ancienne de parler du « reste » – les autres à la différence de « celui ». Jésus est celui qui prend la place des autres. Jésus, l’Agneau innocent de Dieu, donne sa vie pour les pécheurs.

Qui dans ce monde-ci aurait prévu que la manière dont Dieu allait satisfaire son décret de garder la vengeance et la rétribution à Lui seul, était de devenir un homme pour être cloué à une croix, pour assumer lui-même tout notre péché et la mort que nous méritions ? Et ce n’est pas là une métaphore. C’est la vérité pure et dure – aussi dure que les clous de crucifixion. Mais ce ne sont pas les clous qui le retenaient à la croix. C’est son amour.

L’Amour trinitaire fit cela pour nous – non par la maltraitance du Fils par le Père, mais quand le Seigneur absorba, en lui-même – au moyen de sa chair déchirée, de son sang versé et d’un isolement inimaginable – tout le péché et toute la mort d’un monde perdu. Quand le Christ s’écria, « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », il devint le péché lui-même, écrasé à mort. Et le Cœur du Père alla en enfer.

Mais le péché et la mort ne pouvaient pas survivre au sacrifice divin par lequel Dieu se condamna Lui-même. Et ainsi, ce troisième jour-là, comme il l’avait prévu, Jésus-Christ ressuscita – Vainqueur du péché et de la mort. Et par Sa résurrection, nous ressuscitons – rachetés pour la joie en Lui par la grâce infinie de Dieu !

Si vous êtes reconnaissants pour cette grâce et pour cette paix qui surpasse tout ce que l’on peut concevoir, joignez-vous à moi pour que nous chantions, ensemble, les paroles familières de John Newton :


Grâce infinie, ô quel beau don
Pour moi, pécheur, qui crois
J’étais perdu, j’ai le pardon
Aveugle, mais je vois.
© 2007 Ralph Blair, tous droits réservés.(traduction : F.W.)

[1] ‘Mama Rose’, personnage principal de la comédie musicale Gypsy, est une mère obsédée par la carrière théâtrale de ses deux filles.
[2] Voir le premier sermon de cette série : Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa première annonce.
[3] Le ‘passif divin’ était une façon hébraïque de se référer à Dieu sans employer son Nom.

vendredi 14 novembre 2008

2007 Festival de Prédication #2 (Blair)

Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa deuxième annonce

[Ce discours-ci est le deuxième des trois prononcés par le Dr Ralph Blair au Festival de Prédication d'Evangelicals Concerned en october 2007. Je remercie Jean V. de son aide précieux en relisant et en corrigeant le texte. – F.W., traducteur]

Marc 9,30-37

En partant de là, Jésus et ses disciples traversaient la Galilée, mais Jésus ne voulait pas qu’on le sache. Car il se consacrait à l’enseignement de ses disciples.

Il leur disait : Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes; ils le mettront à mort mais, trois jours après sa mort, il ressuscitera. Eux, cependant, ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de lui demander des explications.

Ils arrivèrent à Capernaüm. Quand ils furent rentrés à la maison, Jésus leur demanda: « De quoi avez-vous discuté en route? » Mais ils se taisaient car, durant le trajet, ils avaient discuté pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand.

Jésus s’assit, appela les Douze et leur dit: « Si quelqu’un désire être le premier, qu’il se fasse le dernier de tous, et le serviteur de tous. »

Puis il prit un petit enfant par la main, le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir serré dans ses bras, il leur dit: « Si quelqu’un accueille, en mon nom, un enfant comme celui-ci, il m’accueille moi-même. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi seulement qu’il accueille, mais aussi celui qui m’a envoyé. »

Cet après-midi nous reprenons le récit de Marc juste au moment où Jésus, Pierre, Jacques et Jean reviennent de la révélation que nous connaissons sous le nom de Transfiguration. Sur la montagne, les trois disciples les plus proches de Jésus avaient vu son apparence se transformer en éclat éblouissant alors qu’ils le regardaient parler avec Moïse et Élie de son épreuve imminente à Jérusalem. Ils avaient entendu la voix de Dieu déclarer que Jésus était Son Fils et qu’ils devaient l’écouter. Et tout à coup, ils ne virent plus personne là-bas – si ce n’est Jésus.

Marc nous raconte que pendant que tout cela se passait sur la montagne, un homme était venu vers les autres disciples, les suppliant de guérir son fils. Ils avaient essayé de l’aider. Mais ils ne le pouvaient pas.

Jésus les découvrit, entourés d’une grande foule dont des spécialistes de la loi, des paysans appelés « gens de la terre » et le père désespéré. Le tumulte régnait et Jésus leur demanda : « Qu’est-ce qui se passe là ? » Après avoir dit à Jésus que les disciples ne pouvaient pas l’aider, le père demanda à Jésus : « Pouvez-vous aider mon fils ? » Exaspéré, Jésus jeta un coup d’œil aux disciples, secoua la tête et soupira :

« Combien de temps devrai-je supporter votre incrédulité ? »
L’homme dit qu’il croyait, lui, que Jésus pouvait guérir son fils mais il demanda aussi à Jésus d’affermir sa foi. Jésus ordonna alors à la maladie de sortir du jeune homme. Et avec un cri aigu, la maladie sortit.

Et comme Marc l’écrit : Jésus et ses disciples partirent alors de là.

Marc l’exprime si simplement ! Pas de tralala, à la différence des faux évangiles d’une époque postérieure. Ici, rien que la vérité. Et alors :

Ils partirent de là et traversèrent la Galilée. Jésus ne voulait pas qu’on sache où ils se trouvaient, parce qu’il enseignait aux disciples en privé.

Tout n’est pas destiné aux oreilles de tout le monde. La compréhension a besoin d’un peu de préparation – du temps seul avec l’enseignant, du temps pour entendre et du temps pour digérer ce qu’on a entendu. Et naturellement, il y a certains indices qui laissent penser que cette bande maladroite avait encore beaucoup à apprendre et à comprendre.

Quand même, il est évident que, avant la résurrection du Christ et le don de Dieu de la présence du Saint-Esprit dans le cœur des croyants, même trois ans de préparation avec Jésus – en vivant et en voyageant avec lui, en écoutant ses enseignements, en observant ses miracles – ne suffisaient pas pour séparer de façon significative la compréhension de ce cercle restreint de la perspective de la foule qui les entourait. En effet, dans certains cas – comme celui du centurion païen et celui de la Samaritaine au puits – les soi-disant « exclus » semblaient voir et entendre mieux que les « initiés ».

Néanmoins, pendant ces jours ultimes de son ministère terrestre, il était important que Jésus fasse particulièrement attention à clairement expliquer aux disciples ce que la foule était moins préparée à comprendre. Et, comme il le leur avait promis, un jour ils allaient pouvoir se rappeler, avec une compréhension totale, tout ce qu’il avait dit et fait pendant qu’il était avec eux. Les textes que nous prêchons ce week-end sont la preuve que sa promesse s’est réalisée.

Ici donc, Jésus se blottit avec les Douze, leur disant une fois de plus ce qu’ils devaient s’attendre après leur arrivée à Jérusalem.

Il leur dit,

« Le fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ».
Quelle expression étrange : « livré aux mains des hommes » ! À quelles autres mains que les mains des hommes pouvait-on être livré ? Il y a peut-être un indice ici que celui qui parle – cet homme-ci, Jésus – est quelque chose de plus qu’un simple homme. Donc, cet homme-ci fait une distinction entre lui-même et d’autres hommes. Après tout, son identification préférée pour lui-même, « Fils de l’homme », est, dans la prophétie hébraïque, une allusion à un personnage divin – un être qui est quelque chose de plus qu’un simple homme. Donc, aussi curieux que cela apparaisse, cet homme-ci dit de lui-même : « le Fils de l’homme » va être livré aux mains des hommes.

Et si le « Fils de l’homme » est plus qu’un homme, ce qu’il prédit des simples hommes vont faire de lui est plus étrange. Il dit que ces hommes

« … le mettront à mort ».
Puis il ajoute ce qui est encore plus étrange. Il dit :

« … trois jours après sa mort, il ressuscitera ».
Pas étonnant, donc, que Marc note :

Les disciples ne comprenaient pas ces paroles.
Marc ajoute :

Et ils avaient peur de lui demander des explications.
Pouvons-nous nous reconnaître dans la peur de rechercher plus loin ? Si nous avons jamais eu du mal à comprendre ce que Jésus voulait dire ou eu peur de ne pas savoir très bien ce qu’il voulait dire mais tout en étant gênés de l’admettre, n’avons-nous pas évité de poser des questions qui fourniraient une clarté indésirable ?

Mais le problème, c’est que nos questions demeurent, et nos pressentiments inconfortables aussi. Alors, au lieu d’aller à Jésus pour des éclaircissements, nous avons tendance à nous consulter nous-mêmes puisque nous croyons que nous préférerions nos propres explications. Mais ce n’est pas une bonne idée. Ce n’est pas ce que Dieu avait dit aux disciples de faire – à son baptême, à la Transfiguration. Dieu leur avait dit d’écouter Jésus, non eux-mêmes. Il leur avait dit d’écouter la Vérité elle-même.

Ce que nous avons tendance à inventer tout seuls est souvent tordu par nos misérables suppositions et par nos intentions myopes. En nous consultant nous-mêmes, nous passons à côté de la question, ne mettant pas le tout en perspective, nous distrayant nous-mêmes avec des scénarios intéressés venus de nos propres imaginations trompeuses.

C’est exactement ce que faisaient ces disciples ce jour-là en route pour Capernaüm.

Et le voyage avait dû sembler plus court que d’habitude. Pourquoi ? Comme nous le verrons, ils étaient tous occupés à papoter à propos d’eux-mêmes. Le temps passe vite quand on parle de soi-même.

Enfin ils attinrent Capernaüm. Après qu’ils soient entrés dans la maison où ils vivaient (probablement celle de Pierre), Jésus leur demanda :

«Dites-donc, de quoi avez-vous discutez en route ? »
Tout à coup ils n’ont plus rien à dire. On peut se les imaginer en train de faire semblant de ne pas avoir entendu la question de Jésus alors qu’ils détournent les yeux tout en jetant un coup d’œil les uns aux autres.

Ils se taisaient, bien sûr, car, en route, ils avaient discuté pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand.

Et, sans surprise, ils sentaient qu’il y avait quelque chose d’inconvenant dans cela – au moins parce qu’ils ne pouvaient vraiment pas croire leurs propres vantardises. On ne croit jamais ses propres vantardises. C’est pourquoi on se vante.

Pouvez-vous vous imaginer les chamailleries et les vantardises comme ils se traînaient derrière Jésus en route pour Capernaüm ? Chacun d’entre eux essayait de surenchérir l’autre – et de s’assurer que Jésus ne pouvait pas les entendre. Comme ils étaient bêtement égocentriques – tout comme nous. Nous aussi, nous essayons de nous assurer que Jésus ne nous voit pas faire semblant d’être « plus grand » que nous le sommes – ou que nous le savons.

On peut écouter alors que Pierre se vante, bien qu’à voix basse et agitée, ne voulant pas être entendu par Jésus : « Je suis le plus grand. C’était moi qui lui ai donné la bonne réponse, ‘Tu es le Messie !’ » Mais Pierre, lui rappelle quelqu’un, n’as-tu pas entendu Jésus dire que ton discernement était le don de Dieu ? Tu ne te rends pas compte que cela ne t’est pas venu comme ça ?

Maintenant on entend Jacques et Jean se vanter : « Nous sommes les plus grands parce que nous sommes cousins germains de Jésus ! » Mais d’autres répondent en demandant : comment pouvez-vous vous attribuer ce mérite ? On ne choisit pas ses parents !

Pierre s’allie maintenant avec Jacques et Jean pour se vanter : « Alors, c’est nous que Jésus a emmené avec lui pour prier là-haut sur la montagne. Et c’est nous qui y avons fait la connaissance de Moïse et d’Élie. C’est donc nous qui sommes les plus grands ! »

Mais le but de la Transfiguration, n’était-il pas que Jésus éclipse même Moïse et Élie (et vous trois aussi) et que seul Jésus reste ? Et Dieu, ne vous a-t-il pas dit, là-haut : écoutez Jésus ?

André soutient alors : « Eh bien, Jésus m’a choisi le premier – avant qu’aucun de vous ne soit avec nous. Je suis donc le plus grand ! » Nathaniel leur rappelle que Jésus l’appela, lui, « vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude ». Il dit alors : « Je suis le plus grand ! » Mais Lévi l’interrompt : « Je suis le plus grand parce que j’ai abandonné ma carrière lucrative en tant que percepteur pour suivre Jésus – c’est bien plus qu’aucun de vous n’ait fait ! »

Et alors, avant qu’aucun du reste des disciples ne puissent ajouter leurs références maigres à la compétition, Judas se vante sans vergogne : « Écoutez, il va sans dire que je suis, moi, le plus grand. Jésus me confie son argent ! » Et cela semblait l’emporter sur toutes leurs vantardises !

Alors, qui a gagné le titre du « plus grand » disciple ce jour-là ? Est-ce Pierre ? Jacques ? Jean ? Judas ?

Une fois de plus, nous pouvons tous nous identifier avec eux, n’est-ce pas ? Nous faisons tous semblant d’être ‘le plus grand’. Chacun de nous fanfaronne parce que chacun de nous se fait des illusions. Et tout cela découle du doute de soi.

Muhammad Ali se surnommait lui-même ‘The Greatest’ (Le plus grand). Jackie Gleason se surnommait lui-même ‘The Great One’ (Le grand). Apparemment, il ne suffit pas d’être même le roi ou la reine ou le pape – il faut être Pierre le Grand, Catherine la Grande, Grégoire le Grand. Qui est ‘le plus grand’ ? Allons-nous le découvrir en lisant les échos dans le magazine People ou sur le site Web E! Online ? Devrions-nous consulter Greatness.com ? (grandeur) Ça, c’est un site Web qui porte sur le nationalisme syncrétiste que D. James Kennedy appela « l’essence de christianisme militant en ce qui concerne l’amour de son pays… l’empreinte de la main de Dieu » Bon, devrions-nous chercher les environ 14 millions d’entrées sur Google à propos de « la grandeur » ? Ou devrions-nous écouter ce que Jésus disait sur la grandeur ?

Nous pouvons nous tromper autant que ces disciples-là. Et, comme je l’ai dit, nous pouvons nous identifier à eux et nous devrions nous identifier à eux, car nous savons par expérience qu’ils n’ont vraiment pas cru leurs vantardises. Nous nous vantons des qualités que nous croyons devoir posséder, sans pouvoir croire que ce soit vrai ou même crédible, et nous croyons que personne d’autre ne pourra le croire non plus. L’acte même de se vanter provoque donc de l’anxiété parce que ce que l’on pense vraiment de soi-même – le contraire même de toutes les vantardises – est un constant rappel interne que ce qui est dit pour consommation publique n’est pas crédible, et que ceux que nous essayons de tromper voient clair dans notre petit jeu. Et, naturellement, quand Jésus – loin d’être idiot, le savaient-ils – mentionne leurs idioties, c’est d’autant plus gênant. Et il en mentionne effectivement, mais indirectement et sûrement pas pour les embarrasser.

Jésus ne gaspille pas sa salive en les réprimandant. Ce n’est pas nécessaire. Sa question simple suffit à attirer leur attention : « De quoi avez-vous discuté en route ? » Il ne s’attend pas à une réponse franche et n’attend pas une rationalisation. Il ne fait que leur montrer qu’il sait bien ce dont ils discutaient. En prenant la posture familière d’enseignant, il s’assied pour leur apprendre ce qui est la vraie grandeur.
Jésus s’assit, appela les Douze et leur dit: « Si quelqu’un désire être le premier, qu’il se fasse le dernier de tous, et le serviteur de tous. »
Ça alors ! Cela les fit sursauter ! Mais comme ces paroles de Jésus nous sont si familières aujourd’hui, il est facile de manquer à quel point elles étaient surprenantes quand les disciples les entendirent ce jour-là.

Vivre sous l’influence du christianisme a fait que l’affirmation de Jésus semble sensée. Mais dans le monde du premier siècle, elle n’aurait pas semblé sensée. Elle aurait semblé ridicule. Et, bien sûr, même aujourd’hui, elle semble ridicule à beaucoup de gens.

Néanmoins, l’impact du christianisme a révolutionné notre idée de l’humilité. Selon les suppositions culturelles du premier siècle, l’humilité était considérée comme un vice, non comme une vertu. Soutenir que, pour être le premier, il faut être le dernier de tous – et illustrer ‘le dernier de tous’ par l’état d’un esclave, sans aucun doute ‘le dernier de tous’ – ne ressemblait en rien aux dictons plaisants d’école du dimanche. Cela ressemblait à la condamnation à l’esclavage elle-même. Comme nous nous sommes assis ici en sécurité, nous n’avons pas peur d’être vendus en esclavage. Mais l’esclavage au premier siècle était une possibilité bien trop réelle – après une invasion étrangère, pour des dettes et des amendes insupportables (les siennes ou même celles d’un parent) et pour toutes sortes d’infractions mineures.

Il avait dû leur venir à l’esprit que c’était leur Maître, après tout, qui disait que le premier doit se mettre à la disposition de tout le monde – tout comme un esclave est à la disposition d’autrui. Car c’était leur propre Maître – en effet, le Messie – qui les avait déjà avertis que lui-même se mettait en danger en recherchant la mort par les mains d’un establishment religieux rempli de rage et de cruauté. Leur était-il possible d’avoir un exemple plus spectaculaire d’une inversion de rôles ? Et pourtant, ils ne comprenaient pas encore le message.

Jésus illustra ce qu’il voulait dire en prenant dans ses bras un petit enfant qui était là par hasard.

Puis il prit un petit enfant par la main, le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir serré dans ses bras, il leur dit: « Si quelqu’un accueille, en mon nom, un enfant comme celui-ci, il m’accueille moi-même. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi seulement qu’il accueille, mais aussi celui qui m’a envoyé. »
À votre avis, qu’est-ce que Jésus avait en tête ce jour-là alors qu’il pensait à ce petit enfant ? Pour le saisir, il faut voyager dans le temps encore une fois et remonter au premier siècle.

L’idée contemporaine des enfants est tirée de notre culture qui est incroyablement centrée sur les enfants, comme le prouvent notre langage enfantin, la manière dont nous applaudissons bêtement tous leurs caprices ou prenons rendez-vous pour qu’ils puissent jouer avec d’autres gosses, la course effrénée pour les meilleures maternelles, les montagnes de gadgets électroniques, et assez de sucreries pour leur faire plaisir, du moins pour une heure.

Mais il y a deux mille ans, quand Jésus apprenait à ses disciples que si quelqu’un accueille, en son nom, un petit enfant, il accueille non seulement leur enseignant mais aussi celui qui l’avait envoyé, les disciples n’auraient pas pensé à des enfants de la même façon que nous y pensons aujourd’hui après vingt siècles d’influence chrétienne contre l’infanticide, l’abandon des enfants, l’esclavage des enfants et tous les autres souvenirs de la vieille idée qu’un enfant n’est pas une personne avec des droits, mais plutôt une possession, comme l’étaient des femmes, des esclaves, des outils et tout le reste des biens terrestres d’un homme, à l’usage de n’importe quel désir de l’homme. En effet, ils étaient bien ‘les derniers de tous’.

Quel aspect particulier de ce petit enfant poussa Jésus à dire que, en accueillant ceux qui leur ressemblent, ses disciples l’accueillaient, lui et son Père – et en s’approchant de ceux qui étaient comme ce petit enfant et en les servant, ils s’approchaient de Jésus et son Père, ils servaient Jésus et son Père ?

C’était le fait que ce petit enfant était « un rien du tout » – du moins pour tous ceux qui prétendaient être « quelqu’un ». Accueillir un « rien du tout » serait accueillir quelqu’un, pour lui-même seulement, et non pour ce qu’il pourrait faire pour eux. Ça serait comme accueillir les pauvres et les indigents, les faibles et les vulnérables, ceux qui dépendaient complètement d’autrui, les non désirés, les marginalisés et les exclus. Ça serait comme donner une coupe d’eau fraîche à celui qui avait vraiment soif et ne pouvait pas rembourser, comme donner à manger à celui qui avait vraiment faim et ne pouvait pas rembourser. Ça serait comme accueillir ceux qui étaient peu grands, peu bons, peu intelligents, peu riches, peu populaires, peu mignons. Accueillir chaleureusement de tels gens serait un acte de pure grâce en imitation reconnaissante de la miséricorde de Jésus et son Père. Ça serait l’amour pour même ses ennemis.

Voilà la leçon de Jésus sur la grandeur comme il poursuivait son chemin vers Jérusalem et Golgotha.

© 2007 Ralph Blair, tous droits réservés. (Traduction : F.W.)

2007 Festival de Prédication #1 (Blair)

Les prédictions de Jésus sur sa passion : sa première annonce

[Ce discours-ci est le premier des trois prononcés par le Dr Ralph Blair au Festival de Prédication d'Evangelicals Concerned en october 2007. Je remercie Théo M. de son aide précieux en relisant et en corrigeant le texte. – F.W., traducteur]

Marc 8,31-37

Et il commença à leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup souffrir, être rejeté par les responsables du peuple, les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi; il devait être mis à mort et ressusciter trois jours après.

Il leur dit tout cela très clairement. Alors Pierre le prit à part et se mit à lui faire des reproches.

Mais Jésus se retourna, regarda ses disciples et reprit Pierre sévèrement: « Arrière, ‘Satan’! Eloigne-toi de moi! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu; ce sont des pensées tout humaines. »

Là-dessus, Jésus appela la foule ainsi que ses disciples et leur dit: « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. En effet, celui qui est préoccupé de sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera. Si un homme parvenait à posséder le monde entier, à quoi cela lui servirait-il, s’il perd sa vie? Et que peut-on donner pour racheter sa vie? »

Les sociologues trouvent que la foi d’un grand nombre de jeunes pratiquants de nos jours est un « déisme moraliste et thérapeutique » qui n’est pas chrétien – Dieu existe vaguement, et il faut simplement s’entendre avec autrui et être content. De nombreux adultes ont la même religion. D’un autre côté, les chrétiens d’extrême droite et la gauche prêchent des légalismes en désaccord avec l’évangile pour faire du changement social. Il n’est donc pas étonnant que dans une classe récente de catéchisme, une adolescente demande : « Euh, ben, pourquoi Jésus s’est fait zigouiller ? » Son vocabulaire ressemblait plus à celui des Sopranos que celui de Nicée, mais sa question valait le coup de poser. Et bien que tellement de gens soient réticents à chercher une réponse dans la Bible, c’est le seul endroit raisonnable où en chercher. Voilà ce que nous allons faire ce week-end : étudier l’Évangile de Marc pour lire ce que Jésus, lui-même, avait à dire au sujet de sa mort.

Tous les quatre Évangiles sont essentiellement des préfaces à la passion du Christ. Ces premiers comptes rendu de sa passion (dérivée du mot latin pour souffrance) suivent un peu un schéma biographique – détails préliminaires comme la prophétie, ses enseignements et ses miracles. Nous lisons que Jésus inaugura le règne de Dieu, ou le nouvel âge sur terre, et qu’il le fit, non seulement dans sa vie, mais aussi par sa souffrance et sa mort et que Dieu le justifia en le ressuscitant des morts.

Alors que nous étudions l’Evangile selon Marc, nous allons examiner les prédictions et les explications de Jésus lui-même de sa mort et sa résurrection. Marc en rend compte comme il l’avait appris de son mentor, Pierre, qui avait été avec Jésus et entendu son Maître dire ces choses.

Le sermon de ce matin, tiré du 8ème chapitre de Marc, traite de la première de ces divulgations à ses disciples. Eh bien, vous savez quoi ? Ils n’en comprendront rien. Mais comprendrons-nous ? Le sermon de cet après-midi, tiré du 9ème chapitre de Marc, traitera de la deuxième fois que Jésus leur dit qu’il lui faudrait mourir et être ressuscité des morts. Eh bien, vous savez quoi ? Ils n’en comprendront rien encore. Et nous ? Le sermon du dimanche matin, tiré du 10ème chapitre de Marc, traitera de sa troisième révélation qu’il lui faudrait mourir et être ressuscité. Comprendront-ils enfin ? Et nous ? Nous, nous avons l’avantage chronologique, avec le recul parfait qui est censé nous aider. Mais est-ce important ? Nous verrons.

Pour commencer, faisons attention au fait que les prédictions de Jésus nous rassurent qu’il n’était pas une victime malheureuse. Jésus était un participant actif dans sa mort et sa résurrection. Il est le Sauveur Suprême. Il dit que personne ne peut lui ôter la vie mais que, sur l’autorité de son Père, il a lui-même le pouvoir de la donner et de la reprendre. (Jean 10,18)

Or, cela ne veut pas dire que Jésus ne souffrit pas à Gethsémani et à Golgotha. Il ne fit pas semblant. Mais cela veut bien dire que rien ne le prit par surprise. C’était son propre but inébranlable – au sein du mystère du Dieu Trine qui est, Lui-même, Amour – de faire ce qui devait être fait pour sauver le monde du péché et de la mort.

Nous reprenons le récit au moment où Jésus fait sortir ses disciples de la Galilée pour ce nouveau stade de sa mission sur terre. Ce sera le stade final. Ils sont sur le chemin de Jérusalem.

Marc vient de raconter à ses lecteurs comment Pierre avait répondu à la question de Jésus : « Qui dites-vous que je suis ? » Et Pierre de répondre : « Tu es le Messie ». Nous savons par des rapports parallèles que Jésus attribua ce discernement à une révélation de Dieu Lui-même. Mais Pierre avait encore beaucoup à apprendre sur exactement ce qui signifiait pour Jésus d’être « le Messie ».

Marc poursuit :

Jésus commença alors à leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup
souffrir, être rejeté par les responsables du peuple, les chefs des prêtres et
les spécialistes de la Loi; il devait être mis à mort et ressusciter trois jours
après. Il leur dit tout cela très clairement.

Ici, Jésus parle de lui-même comme le « Fils de l’homme », comme il le fait 80 fois environ dans les Evangiles. C’était probablement l’ambiguïté du terme que Jésus trouvait si utile pour comprendre et pour expliquer son identité et sa mission. C’était un bien meilleur terme que « Messie », avec tout son bagage de tribalisme traditionnel et de militarisme que l’esprit populaire attribuait à ce terme. L’image du « Fils de l’homme », venue de la prophétie de Daniel, est un personnage énigmatique, voire un personnage composite, mais un personnage divin qui est au bout du compte justifié et glorifié par humilité abjecte, par souffrance et par abnégation.

Jésus déclare catégoriquement que le Fils de l’homme doit souffrir. Pierre et les autres, bien sûr, avaient vu beaucoup d’hostilité dirigée envers Jésus par les autorités religieuses, voire par des démons. Donc, les prédictions de leur Maître sur davantage d’hostilité venant du monde religieux ainsi et du monde démoniaque n’auraient pas été surprenantes.

Mais Jésus disait beaucoup plus que ça. Il ne présumait pas simplement qu’il n’y aurait qu’une répétition de la précédente opposition. Il affirmait que plus de souffrance du Fils de l’homme était inévitable. Son exécution était une nécessité. Non seulement il pouvait tirer des conclusions et s’apercevoir qu’il était sur une trajectoire de collision avec les rationalisations intéressées du ‘bon et respectable’ establishment juif, mais il pouvait voir également qu’il heurtait aux projets intéressés de l’establishment romain ‘sale’ et méprisé. Donc, la souffrance était en effet inévitable – une nécessité. D’ailleurs, sa souffrance jusqu’à la mort était inévitable parce qu’il était venu en tant que Serviteur souffrant – pour donner sa vie en rançon pour autrui. Il était venu pour mourir afin que d’autres puissent vivre.

Mais les gens naïfs et conventionnels ne voient pas la gravité fatale du péché. Nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes du péché en décidant de nous amender et de faire une cure. Le salut des pécheurs exige le sacrifice de ce qui est sans péché. Les simples ajustements moraux ne peuvent pas guérir la mortalité. Nous sommes morts dans le péché et avons besoin de prendre vie. Pierre ne comprend pas encore cela. Il recule devant les propos de Jésus sur sa mort violente. Donc, il réprimande Jésus. Et Jésus doit le réprimander :

« Arrière, ‘Satan’! Éloigne-toi de moi! Car tes pensées ne sont pas celles de
Dieu; ce sont des pensées tout humaines. »

Notre familiarité avec ces paroles de Jésus pourrait nous empêcher de les entendre aussi bien que nous devrions les entendre. Les ayant si souvent entendues, nous ne comprendrons peut-être pas à quel point elles semblaient dures à ces premiers disciples de Jésus. Car, pour les disciples du Fils de l’homme, toute souffrance que l’avenir réservait à leur Maître leur semblait également réservée. Pas étonnant que Pierre réprimande son Maître et son Messie dont la pensée était renouvelée.

Pierre n’était pas seulement motivé par la crainte d’un avenir périlleux. Même un simple pêcheur juif avait des arguments théologiques de son côté. Jésus ne lui avait-il pas dit qu’il avait été juste d’affirmer pour des raisons surnaturelles que Jésus était bien le Messie ? Alors, comment était-il donc même possible que les responsables du peuple, les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi – le sanhédrin tout entier – s’opposent au Libérateur oint de Yahvé ? Et comment était-il même possible que la force puissante de la Rome païenne puisse vaincre la force plus puissante du Messie du Tout-Puissant ? C’est sûr que le Messie du Seigneur souverain ne souffrirait pas et ne serait pas tué ! Quel type de Messie serait mis à mort ?

Voyez-vous pourquoi il faut nous rappeler par l’Écriture – directement et indirectement – que, comme Jacques pouvait finalement l’écrire par l’inspiration de l’Esprit de Dieu : « nos pensées ne sont pas les pensées de Dieu, et nos voies ne sont pas ses voies » ? (3,15)

Il est si facile de croire que Dieu pense comme nous, qu’Il voit les choses exactement comme nous, qu’Il devrait faire ce que nous jugeons convenable, et que, si – pour quelque raison inconnue – Dieu ne le fait pas, ce serait tellement mieux si seulement il le faisait. Or, ce « raisonnement » semble bête, n’est-ce pas ? Mais c’est si souvent exactement ce que nous pensons, non ? Et nous pensons ainsi parce que – aussi curieux que cela paraisse en perspective – nous sommes convaincus de notre propre idée de comment les choses devraient être. Mais nous ne sommes ni assez bon, ni assez intelligent pour surpasser la bonté et l’intelligence de Dieu. Il est dommage de constater que nous sommes trop méchants et trop bêtes pour mieux faire ou pour mieux savoir, mais c’est comme ça.

Donc, les premiers disciples, eux aussi, ne comprenaient rien encore. Ils ne comprenaient pas encore que Jésus renverse tout – y compris les suppositions théologiques – afin de tout redresser. Il révise le sens du terme « Messie », rejetant toutes les suppositions intéressées des nationalistes égocentriques d’une libération militaire. Jésus affirme que, en sa qualité de Messie, il continuera d’être rejeté par les responsables religieux et qu’il sera plus que simplement rejeté, il sera tué. Cela ne ressemblait pas à la bonne nouvelle. Cette nouvelle était tellement mauvaise qu’on se demande s’ils l’avaient même entendu ajouter, de façon presque désinvolte, qu’après sa mort il serait ressuscité des morts ? Mais tout ce qu’ils paraissaient entendre étaient ses propos indésirables sur la souffrance et la mort.

Rien d’étonnant que la réaction immédiate de Pierre soit une réprimande : « Pas question ! ». Et rien d’étonnant que la réaction immédiate de Jésus soit une réprimande du même acabit : « Dégage ! »

Pierre voulait emprunter son propre chemin – le chemin qui échapperait à la mort. Mais son chemin n’aurait pas échappé à la mort. C’était la mort. Point final. Le chemin de Pierre était un cul-de-sac. Le chemin de Jésus était la fin de la mort. Jésus refusa d’échapper à la mort. Il allait aborder le problème de la mort de front et continuer à travers la mort jusqu’à la Vie Lui-même.

Mais ne pensez-vous pas que nous nous serions rangés du côté de Pierre ? Ne pensez-vous pas que nous, nous aussi, aurions réprimandé Jésus : « Pas question, Jésus ! » ? Si nous en doutons, nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Comment aurions-nous pu ne pas nous accrocher à nos propres projets et à nos propres idées préconçues sur comment les choses devraient arriver selon nos intérêts ? Comment aurait-il été possible de changer de projet et d’idées préconçues – voire de prières – afin de se ranger du côté de Celui qui parlait de la nécessité d’aller directement à la souffrance et à la mort ?

Evidemment, vue de loin, nous savons maintenant comment les choses finirent alors. Il est donc facile pour nous de prétendre que nous aurions pris le parti de la réprimande de Jésus plutôt que celle de Pierre. À l’époque, Pierre ne savait pas encore à quel point les choses finiraient dans la gloire. En se concentrant sur ses propres craintes et désirs, il s’empêcha lui-même de voir au-delà de lui-même.

Mais la réprimande de Jésus le mit au défi de se méfier de son propre chemin, de se fier au chemin de Jésus et de risquer d’avoir tort – et d’être tué, avec un ‘Messie’ tué.

À présent, nous ne pouvons pas encore dire que nous voyons avec certitude comment les choses finiront, parce que nous marchons, comme nous devrions le faire, par la foi, non par la vue. Mais, contrairement à Pierre et aux autres premiers disciples, nous revenons maintenant sur le fait de la résurrection de Jésus. Donc, en tant que « fous pour le Christ », nous « risquons » maintenant d’avoir « tort » sous les regards désapprobateurs d’un monde rejetant.

Là-dessus, Jésus appela la foule ainsi que ses disciples et leur dit: « Si
quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix
et qu’il me suive. En effet, celui qui est préoccupé de sauver sa vie la perdra
; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera. Si
un homme parvenait à posséder le monde entier, à quoi cela lui servirait-il,
s’il perd sa vie? Et que peut-on donner pour racheter sa vie? »

Jésus leur dit que tous ceux qui veulent le suivre dans le salut promis du règne de Yahvé doivent, de même, d’abord perdre leur vie à eux. Une telle mauvaise nouvelle n’était pas ce que la venue du Messie était censé représenter. Ce n’était pas calculé pour superficiellement gagner des convertis à ce qu’ils avaient cru être la cause. S’il allait mourir, qui resterait-il à suivre, au juste ? Et ce qu’il avait dit au sujet d’une résurrection était tout simplement trop incompréhensible pour avoir un sens du tout. Les voilà sur l’étape finale de leur voyage, plus perplexes et réticents que jamais.

Toutefois, bien sûr, le sacrifice de soi est ce que Jésus avait toujours représenté. Et alors, n’était-il pas approprié que le sacrifice de soi serait ce que ses disciples représenteraient ? La réponse appropriée au Sauveur qui renonce à lui-même était que ses disciples feraient de même. ‘Suivre’ Jésus voulait dire suivre Jésus. Mais ce n’est pas ce qu’ils entendaient par ‘suivre’.

Jésus prévient qu’il y aura des temps très durs à venir pour ceux qui le suivraient. Et, en fait, en fin de compte, Pierre et tous les disciples allaient rencontre une mort violente pour avoir suivi Jésus. Jacques allait être le premier. Quelques années après seulement, il allait être décapité à Jérusalem. (Actes 12,2)

Remarquez maintenant que le sacrifice de soi à laquelle Jésus appelle ses disciples n’est pas simplement de la victimisation passive. On doit activement renoncer à soi-même. On est appelé à éliminer tout ce qui en soi s’interposerait entre soi-même et Jésus. Les disciples de Jésus sont appelés à se charger de leur croix et à suivre ses pas sanglants.

Il est clair que lorsque Jésus parle de « renoncer à soi-même » et « se charger de sa croix », il ne parle pas des problèmes communs que les gens ont tendance à appeler « se charger de leur croix ». Le sacrifice de soi à laquelle on est appelé n’a rien à voir avec renoncer au luxe pour le Carême. Renoncer au luxe pour le Carême est vivre selon ses moyens. Et le sacrifice de soi n’a rien à voir avec renoncer aux frites grasses. Ça, ça s’appelle se mettre au régime. Pour un disciple du Christ, le sacrifice de soi est la renonciation quotidienne à sa prétendue vie égocentrique. Le sacrifice de soi veut dire la fin de M et Mme Moi-moi-toujours-moi.

Et, bien entendu, être un disciple par le sacrifice de soi n’est pas un moyen de rendre Jésus redevable envers nous. Ce n’est pas un moyen de convaincre Jésus de nous suivre ; c’est le moyen de suivre Jésus – le Chemin à travers la mort jusqu’à La Vie Lui-même.

Comme nous étudions hier soir, nos frères Charles, John, William et Francis savaient bien douloureusement ce que ça voulait dire que de se sacrifier pour son Sauveur. Et ils connaissaient la persécution terrible qu’ils subissaient à cause de leur identification avec Jésus. Ils étaient agressés. On mentait à leur sujet. On les ridiculisait. Ils souffraient physiquement, économiquement, professionnellement, mentalement et – oui – spirituellement.

Et toutefois, paradoxalement, en renonçant à leur faux soi, ils recevaient leur vrai soi. En se chargeant de leur croix pour le Christ et pour l’évangile, ils prenaient part à la souffrance de leur Sauveur pour le monde comme ils cherchaient à prendre part au salut de leur Sauveur avec le monde.

Tous ceux qui viennent au Christ font de même – que leurs noms soient aussi célèbres que ces frères ou non. Partout dans le monde, des chrétiens anonymes – bien que nous nous retrouvions ici en sécurité – sont torturés et tués pour leur foi en Christ. Et ils répondent à un tel traitement avec de la patience et de l’amour indulgent, récompensant leurs oppresseurs avec du bien au lieu du mal.

Jean Calvin résuma le mode de vie chrétien en citant la vérité biblique : « Nous n’appartenons pas à nous-mêmes ». Cette phrase est aussi étrange aujourd’hui qu’elle l’était du temps de Calvin, ou de Wesley ou de Newton. Nous n’appartenons pas à nous-mêmes – et cependant, comme l’ajouta Calvin : « Nous ne sommes pas seuls » non plus. Nous suivons Quelqu’un !

Mais un concept du monde basé sur le sacrifice de soi est en désaccord avec le concept du monde de ce monde-ci – même dans les églises et dans les vies de beaucoup de ceux qui se disent « chrétiens ». On le prend pour de l’absurdité, pour du fanatisme, pour un symptôme de la haine de soi et d’une piètre opinion de soi-même. Nous avons l’habitude d’entendre que « vous méritez le meilleur » et, bien sûr, nous définissons « le meilleur » comme la complaisance envers soi-même dans nos désirs égoïstes. Nous pensons de façon narcissique – moi avant toi. Nous pensons de façon nationaliste – nous avant eux.

Mais nous qui sommes appelés par le nom du Christ, nous sommes baptisés dans une mort – la mort du Christ, pour que nous soyons ressuscités vivants dans la vie du Christ. Nous sommes « enterrés dans les eaux du baptême » – voilà comment nous les chrétiens l’exprimons. Nous sommes déjà morts et enterrés avec le Christ, et nous sommes déjà ressuscités avec le Christ !

La locution « enterrés dans les eaux de baptême » reçoit du punch imprévu dans « La rivière », une nouvelle de Flannery O’Connor. Elle traite d’un petit garçon négligé qui s’appelait Harry. On l’emmène à un rivière boueuse pour être baptisé par un prédicateur. Le petit Harry se donne lui-même le prénom du prédicateur, ‘Bevel’. Mais il est encore insatisfait d’une certaine manière. Et alors, le lendemain, déterminé à faire de son mieux pour trouver ce Royaume du Christ qu’on lui avait promis, il quitte ses parents, qui ont la gueule de bois, et se met en route pour trouver ce Royaume du Christ dans la rivière.

Quand il l’atteint, O’Connor écrit : « il bondit dans la rivière sans ôter ni ses chaussures ni sa veste ». Dans un aparté sacré, elle note « les cimes des arbres » entourant la scène – son récurrent rappel littéraire de l’horizon entre ce monde et un Autre Monde. Elle écrit alors : « Sa veste flottait sur la surface et l’entourait comme une étrange et joyeuse feuille de nénuphar, et il se tenait debout, souriant au soleil. Il avait l’intention de ne plus se tracasser avec des prédicateurs, mais de se baptiser lui-même et, cette fois-ci, de continuer jusqu’à ce qu’il eût trouvé la Royaume du Christ dans la rivière. Il mit aussitôt sa tête sous l’eau et poussa en avant ». Il devait redoubler ses efforts pour lutter contre la rivière, semblait-il, en effet, selon O’Connor : « La rivière ne le voulait pas ». Enfin, « il plongea sous l’eau et, cette fois-ci, le courant qui l’attendait l’attrapa comme une longue main douce et le tira rapidement en avant et vers le bas. Pour un instant il était saisi de surprise ; et alors, comme il avançait vite et savait qu’il était en bonne voie, toute sa fureur et toute sa peur le quittèrent ».

Que pensez-vous d’un tel enterrement véritable dans les eaux de baptême ? Si un ego vit encore, il ne peut pas y avoir de candidat au baptême. Seul un ego qui est mort à lui-même, enterré avec le Christ crucifié, peut, avec le Christ ressuscité, être ressuscité des morts. La noyade du petit Bevel peut nous choquer, mais l’appel du Christ est effectivement mortel. Mais il nous mène à travers la mort jusqu’à la vie éternelle.

Et Paul d’exhorter les chrétiens : « par la miséricorde de Dieu, offrez vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. C’est là votre service raisonnable. Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde. Soyez transformé en laissant votre perception du monde être totalement renouvelée ». (Romains 12,1-2)

Pas étonnant qu’une mosaïque dans les vestiges d’une ancienne église à Megiddo fasse allusion à une « table », non à un « autel » – une table pour du pain et du vin, en souvenir du Sacrifice accompli. Christ est mort pour nous ; nous pouvons maintenant vivre pour lui.

Donc, la perte de tout ce qui peut sembler tant être ‘moi’ a lieu, après tout, afin que je puisse être le vrai moi, le moi que Dieu a créé et racheté, « Christ en moi, l’espérance de gloire », comme le dit Paul. (Col 1,27)

© 2007, Ralph Blair, tous droits réservés. (Traduction : F.W.)

mardi 11 novembre 2008

2008 ConnECtion (Ralph Blair)

Un dans quel esprit?

Le discours programme prononcé par le Dr Ralph Blair à la ConnECtion 2008

[Je remercie vivement Théo M. de son aide précieux en relisant et en corrigeant le texte. — F.W., traducteur]

Une nouvelle résidente se présente à deux nouveaux malades d’un service psychiatrique.
— Bonjour, je suis le docteur Brown.
— Moi, je suis Jules César.
— Comment le savez-vous ?
— Dieu me l’a dit.
— Mais non, je n’ai pas dit ça ! proteste l’autre malade.

Certaines personnes sont folles. Elles se prennent pour Dieu. Elles se prennent pour l’autorité ultime sur tout – ce qui est vrai ou faux, ce qui est juste ou injuste. Personne ne peut les contredire. Connaissez-vous quelqu’un d’aussi fou ?

Eh bien, nous sommes tous sujets à un tel aveuglement égocentrique. Nous sommes tous assez fous pour inventer les raisons qui nous conviennent tout en citant nos autorités préférées : moi, moi, encore et toujours moi.

Cette illusion que nous sommes l’autorité ultime faisait un avec l’esprit du moment depuis l’époque d’Adam et Eve. Mais elle n’a jamais été plus vaniteuse et arrogante qu’à l’heure actuelle. Comme le constate Ravi Zacharias : Aujourd’hui, « il n’y pas de contexte transcendant dans lequel discuter. … Tout sens se dissout dans le subjectif, ce qui le met hors de toute discussion ».

Nos parents du jardin d’Éden hésitèrent un peu avant de céder au démon de l’aveuglement. Mais de nos jours, les gens n’hésitent pas à faire des déclarations dont l’autorité est incontestée alors que des suppositions de l’autonomie passent inaperçues. Insistant sur l’idée que « la vérité » n’est qu’un jeu de pouvoir, une construction de l’intérêt personnel, ils déclarent qu’il n’existe pas de Vérité avec une majuscule. Mais ils présument que cette affirmation est Vraie avec une majuscule. Coincés dans une autonomie improvisée, ils ne voient pas à quel point ils sont isolés de la réalité.

Ils croient qu’on construit la réalité elle-même – sans un Créateur avec une majuscule. Ils présument que la platitude de Carl Sagan est vrai : Le cosmos est « tout ce qui existe, a jamais existé et existera ». Ce n’est pas de la poésie, comme le prétendit le producteur de Sagan. Voilà la supposition arrogante de l’apologétique athée. C’est une affectation qui devient plus véhémente voire hystérique. D’un point de vue psychologique, c’est peut-être une question de réaction-formation, car comme C. S. Lewis s’est rappelé : « Quand j’étais athée, il y avait des moments où le christianisme me semblait affreusement probable ».

Par exemple, si c’est vrai qu’être votre propre avocat signifie que vous avez un idiot comme client et si c’est vrai qu’être votre propre neurochirurgien signifie que vous aurez un cadavre comme patient, alors, être votre propre meilleur ami signifie que vous aurez une relation avec un ermite et être votre propre dieu signifie que vous aurez le carcasse d’un saligaud rôdant autour de vous pour toujours.

Pour essayer de savoir quelque chose, il faut un point de départ. Mais on peut manquer de remarquer son point de départ, vu que tout le monde commence avec ce qui est considéré comme acquis. On commence avec des prédispositions à peine entraperçues, avec des présuppositions non prouvables. La méthode empirique ne peut pas se prouver elle-même. Voyez-vous, tout le monde vit par la foi. Une ‘preuve’ contre Dieu n’est pas une preuve. Un dieu dont l’existence peut être démontrée n’est pas Dieu. Si l’on accepte seulement ce que les sciences peuvent savoir de l’existence sans pouvoir connaître la Cause de l’existence, tout en rejetant la possibilité que la Cause de l’existence parle au moyen des sciences et des Écritures, on se fait piéger dans un égocentrisme trompeur.

Pourtant, il n’y a pas d’excuse. Paul savait qu’il y a suffisamment de preuves montrant que nous sommes totalement dérivés et complètement dépendants. (cf. Rom 1) Nous ne sommes pas venus ici par nos propres moyens et nous ne sommes pas tout seuls. Au plus profond de notre création à l’image de Dieu et dans toute la création qui nous entoure, nous pouvons deviner qu’il existe un ‘Quelqu’un’ que nous ne sommes pas.

Richard Dawkins, un célèbre athée, admet avec réticence que l’univers entier conspire en vue de nous inspirer à voir un dieu derrière tout. Mais, sur la défensive, il insiste qu’il faut résister à cette « tentation ». Les anthropologues, les plus athées parmi les universitaires, trouvent ce sens religieux dans tous les peuples. Non seulement nous sommes Homo sapiens – ceux qui sont sages, mais nous sommes Homo religiosus – ceux qui sont religieux. L’histoire de chaque culture a ses dieux. Même le bouddhisme, une religion sans dieux, était une réaction contre les dieux de l’hindouisme. Et l’athéisme n’est qu’un parasite du théisme.

Voilà l’observation du philosophe Charles Taylor, lauréat récent du prix Templeton : « Le sens qu’il existe quelque chose de plus nous cerne. … [et] notre âge est très loin de s’installer dans une incroyance confortable. … le mécontentement continue à remonter à la surface ». Il pose cette question rhétorique : « Pourrait-il en être autrement ? »

L’autorévélation de Dieu nous prévient et nous prémunit contre tout aveuglement égocentrique. Pourtant, nous remplaçons bêtement Dieu, Lui-même, par notre propre dieu, nous-mêmes. Donc, c’est notre soi-disant autosuffisance qui nous aveugle.

Que les gens soient des athées-en-pratique ou des athées avec des opinions minutieusement dogmatiques, ils sont des ‘je-sais-tout’ qui nient ce que seul Celui qui vraiment sait tout peut savoir. Les sages hébreux reconnurent l’idiotie d’une telle autosuffisance présumée. Ils virent que seuls les sots refusent de reconnaître Dieu. Mais les sots de nos jours refusent de reconnaître Dieu et se disent « doués ». Réprimant le sens de Dieu donné par Dieu, ils supposent qu’ils sont eux-mêmes les seuls dieux dont ils ont besoin ou auront jamais besoin. Ou bien, ne se souciant même pas de répondre « Non ! » à Dieu, leur indifférence témoigne de leur refus. Mais chaque refus de Dieu est un échec. Ils continuent donc à ramper devant des « dieux » qu’ils ne peuvent que créer de et pour eux-mêmes. Mais aucune tentative de réduire Dieu à néant ne réussit. Et toute tentative de ce genre réduit à néant celui qui l’essaie.

Dans Romains 1, Paul raconte la tragédie de ceux qui échangent la gloire du Dieu incorruptible contre des imitations de créatures corruptibles. Ils échangent la Trinité contre des babioles d’intérêt personnel aveuglé. Quels sots !

Nous les chrétiens pouvons être, nous aussi, de tels sots, échangeant la vraie vérité de Romains 1 contre une interprétation mesquine du texte condamnant l’amour homosexuel. Mais nous sommes tous coupables – voilà le point essentiel de Paul. Nous reproduisons nos bêtes noires dans les Écritures, projetant nos images : un « Jésus » qui est gay ou KKK. Comme le constate Will Willimon, un évêque méthodiste : Même « la plupart de la prédication ‘évangélique’ est un effort pour tirer les gens plus profondément dans leur subjectivité plutôt qu’essayer de les en sauver ». Il affirme que nous avons besoin d’« une parole externe ». Nous en avons une dans la Parole de Dieu.

Les Écritures déclare que les faux enseignants flattent tous ceux qui veulent entendre des flatteries. (2 Tim 4:3-4) Jésus nous avertit : « Faites bien attention que personne ne vous induise en erreur. Car plusieurs viendront sous mon nom … et ils tromperont beaucoup de gens ». (Matt 24:4,11) Eh bien, les voici – employant le nom de Jésus pour mettre l’accent sur des préoccupations LGBT – « ex-gay » ou « pro-gay », peu importe.

Paul avertit que nous nous trompons nous-mêmes quand nous ne tenons pas compte de ce qui plaît à Dieu et ne comptons que sur ce qui nous plaît. (Gal 6:7-8) Si nous ne comptons que sur ce qui nous plaît, nous ne compterons que sur nous-mêmes.

Un des frères du Seigneur avertit que nous pouvons nous tromper nous-mêmes si nous entendons la Parole de Dieu sans y conformer nos actes. Jacques compara cet aveuglement avec l’homme qui s’observe dans un miroir d’autocritique. Les miroirs d’autocritique déforment la réalité. Dans le miroir tout est à l’envers. Dans un miroir nous ne voyons que ce que nous y apportons. Les images sont des projections de nos propres versions de nous-mêmes et de tout autre. Ainsi, après avoir aperçu notre « moi » dans un miroir, nous en allons avec insouciance, n’ayant rien vu d’un autre point de vue. Nous n’avons vu que nos suppositions éculées, nos pensées rebattues, nos sentiments trop familiers et nos rêves trop myopes. Nous titubons, hébétés par le manque de changement, renforcés dans l’égocentrisme qui nous entrave et l’aveuglement qui nous tient captif, encore dans l’obscurité et sans le pouvoir de changer. (Jacques 1:22-24)

Jacques nous exhorte à abandonner notre propre chemin, et à retourner vers le Chemin de Dieu. Il ne s’agit pas de viser trop haut – mais d’être touché par la Parole de Dieu.

Donc, pourquoi rester assis à regarder fixement les miroirs trompeurs de notre propre esprit – ne voyant que les déformations de l’image de soi, de l’identité de soi ? Pourquoi ne pas nous retourner, lever les yeux et voir les choses du point de vue plus large et plus sage de Celui que nous ne cherchions si sottement qu’à l’intérieur de nous-mêmes ?

Pourquoi pas ? Eh bien, dans notre égocentrisme, il est difficile d’identifier nos aveuglements, et d’autant plus difficile d’y échapper. Encore une fois, l’aveuglement fait « un avec l’esprit » d’égocentrisme.

Les querelles parmi les esprits dans la communauté aveuglée ne sont pas entre les « croyants » et les « non croyants ». Ils sont tous croyants. Et ils ont tous la même religion. Derrière toute la rivalité apparente, toute leur « diversité » aveuglée, ils sont tous consacrés – de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur pensée et de toute leur énergie – à eux-mêmes. Dans leur dévouement délirant, ils essayent tous de faire la même chose, d’échapper à la même Personne. Ils essayent tous d’échapper à Dieu.

Or, certains affirment être « à la recherche de » Dieu, mais comme le constata C. S. Lewis : ils pourraient tout aussi bien parler d’une souris à la recherche d’un chat. Comme l’affirma Helmut Thielicke, le théologien allemand : « Le souhait d’être libéré de Dieu est le désir le plus profond de l’humanité ».

Mais, Dieu merci, alors que nous nous enfuyons de Dieu, Dieu court après nous. Francis Thompson dépeint cela dans son poème magnifique, « Le limier céleste ».

Le but de Dieu quand Il créa le cosmos et nous créa à Son image était de nous serrer dans Ses bras d’amour. Comme le dit Saint Augustin : nous sommes faits pour nous reposer en Dieu et nous errerons sans repos jusqu’à ce que nous nous reposions en Lui.

Dieu créa donc un « accueil cosmique », comme le remarque Tim Keller, fait sur mesure pour notre arrivée. Le cosmologue Paul Davies l’appelle « l’énigme Goldilocks ».

Comme on le lit dans les Actes : « À partir d’un seul sang, Dieu a créé tous les peuples de la terre ». (17:26) En effet, on fait remonter la famille humaine à l’Afrique préhistorique. Les données génétiques montrent que ce ne sont pas seulement la princesse Diana et George W. Bush qui sont parents par le sang. Barack Obama et Dick Cheney sont cousins distants. Laura Bush et John McCain aussi. Et Hillary Clinton et Madonna sont apparentées. Qui le savait ?

Selon les Écritures et la science, nous sommes liés les uns aux autres de plusieurs façons. Dans la Genèse on lit que Dieu insuffla le souffle de vie dans notre poussière et nous devînmes beaucoup plus que la poussière. Citant un de leurs poètes, Paul rappela aux philosophes que nous avons tous « la vie, le mouvement et l’être » en Dieu. Comme l’affirme le physicien Sir Rudolf Peierls : « La prémisse que l’on puisse décrire la fonction entière d’un être humain en termes de la physique, … y compris ses connaissances et sa conscience de soi, est intenable. Il reste encore quelque chose qui manque ».

Ce qui manque dans une explication qui est simplement physique est ce que la Bible appelle notre création à l’image de Dieu. Dieu créa l’humanité d’une telle façon que l’unique communauté humaine puisse être un dans Son Esprit de communauté trinitaire. Notre famille humaine est destinée à être la famille élargie de Dieu.

Mais comment peut-on ne pas remarquer qu’il existe un grave problème avec cette famille élargie ? En plus de notre lien avec Dieu, il y a notre séparation d’avec Dieu. Que nous l’appelions le racisme ou la religion, le viol ou la vertu, ne pouvons-nous pas admettre : « Nous avons tous failli aux intentions de Dieu pour nous » ? (Rom 3:23)

Le dramaturge David Mamet rejette aujourd’hui l’idée libérale, qu’il avait longtemps soutenue, selon laquelle les gens sont foncièrement bons. Il constate qu’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre : les gens sont foncièrement bons et tout dans le monde est gâté. Il voit que « nous sommes sujets au péché et nous allons pécher, même au service du divin ». Pourtant, pour la plupart des penseurs séculiers et progressistes, parler du péché est peut-être le seul « péché ».

Cependant, en essayant de faire face à nos problèmes en ignorant la vérité, nous souffrons. Juste après la dévastation de la seconde guerre mondiale, Dorothy L. Sayers, l’écrivain anglais, constata le choc et la déception parmi les penseurs séculiers. Elle écrit : « Les gens les plus déçus sont ceux qui se cramponnent à une conviction optimiste sur l’influence civilisatrice du progrès et de l’instruction ». La réalité brutale de la cruauté humaine est « la négation complète de tout ce en quoi ils avaient cru. C’est comme si leur univers s’était effondré autour d’eux ».

Dans le temps qui nous reste, nous allons d’abord voir plusieurs façons dont on est tenté de faire un avec l’esprit du moment – égocentrique et aveuglé – en essayant de façon erronée de réparer ce qui est mal. Puis, nous finirons par examiner la seule façon réaliste dont tous les maux ont déjà été réparés et dont nous sommes unis dans l’Esprit de la Sainteté.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à mettre les esprits à l’épreuve pour voir s’ils viennent de Dieu. Les mots hébreux et grecs pour ‘esprit’ proviennent des termes signifiant ‘souffler’ et ‘vent’. Donc, paraphrasant l’admonestation de Jean de ne pas croire tous les esprits, on pourrait l’exprimer comme suit : « Ne vous laissez pas prendre à chaque vieux gueulard et à chaque nouveau moulin à paroles.* Mettez-les à l’épreuve ! » (1 Jean 4:1)

Mais sans de bons critères pour discerner, comment correctement discerner ? Les critères bibliques portent sur la question de savoir si ce qui est dit et fait correspond à la réalité ou non. Cet esprit-là nous détourne-t-il de Dieu ? Est-il fidèle à Celui qui est la Vérité avec une majuscule ? Vit-il l’amour de Dieu ? (Cf., Deut 13:1-5, 1 Cor 12:3, 1 Jean 4:16)

Bon, les esprits du moment sont-ils prêts pour leur interrogation surprise ?

Un esprit de notre temps, égocentrique et bercé d’illusions, est le matérialisme. Or, la matière est un don de Dieu ; le matérialisme ne l’est pas. Les corps seront ressuscités et le monde tout entier sera sauvé. Mais les trucs frivoles n’existeront plus. Les sweatshirts au prix de 1.000 dollars et les ‘bubble bag’ qui coûtent 3.000 dollars sont peut-être fabriqués de bon tissu, mais à quoi servent-ils ? Les pauvres désirent ardemment les dollars Creflo et la richesse ‘Parole de foi’**, et ils se laissent prendre au ‘Secret’. Et tout ça pour rien.
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* C’est un jeu de mots qui dépend de l’emploi des mots anglais blow (blowhard) et wind (bag of wind) (souffler/gueulard et vent/moulin à paroles) qui est donc intraduisible. [ – Traducteur]
** Creflo Dollar est un prédicateur fondamentaliste américain qui prêche un évangile de ‘santé et richesse’ et qui incite ses adhérents à acheter les ‘Creflo dollars’ qui, selon lui, leur apporteront de la santé et de la richesse. Le ministère ‘Word of Faith’ (Parole de foi) prêche des choses semblables. Ces messages sont très populaires parmi les pauvres, évidemment. [ – Traducteur]
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Jésus considéra le matérialisme comme un « maître » diabolique qui cherche à être servi comme seul Dieu doit l’être. Comme il le dit : « On ne peut servir à la fois Dieu et l’argent ». (Luc 16:13) Paul, lui aussi, considéra le matérialisme comme une idolâtrie, ce qu’il est vraiment. (Col 3:5, Éph 5:5) Aujourd’hui, les millionnaires idolâtrent les milliardaires autant que les masses. Les Britanniques votèrent récemment sur la question de qui leurs enfants devraient révérer. Le milliardaire Richard Branson reçut plus de votes que Jésus.

Pourtant, on justifie l’avarice comme étant « juste un moyen de s’avancer ». Mais l’avarice est la vaine adoration de ce qui n’est pas Dieu. L’avertissement sérieux de Jacques devrait faire taire toute rationalisation de ce genre. Il écrit (et je le paraphrase un peu) : « Écoutez-moi, vous qui êtes riches ! Pleurez et lamentez-vous au sujet des malheurs qui vont fondre sur vous ! Votre Prada est pourri et votre Rolex est rouillé. Entendez-vous cela ? Vous n’avez pas payé leur juste salaire aux ouvriers et cette injustice crie contre vous. Écoutez-moi ! Les clameurs des ouvriers sont parvenus jusqu’aux oreilles du Tout-Puissant. Vous avez mené un grand train de vie fastueux, et à quoi bon ? Vous vous êtes engraissés pour votre enterrement. (5:1-6)

Nous essayons aussi de faire « un avec l’esprit » de célébrité. Mais Angelina, Britney et Christina représentent-elles vraiment les ABC d’importance ? Comme le dit Justin Timberlake : « Le monde est rempli de ceux qui rêvent d’être Madonna, mais il n’y a vraiment qu’une seule Madonna ». N’a-t-il jamais entendu parler de la mère de Jésus* ?
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* En anglais ‘Madonna’ veut dire ‘la madone’.

Si nous ne pouvons pas être les amis de vraies stars, nous essayons d’en être une. Nous regardons dans le vide de MySpace, rêvant d’être une star sur Internet.

Pourtant, les vedettes se cachent derrière des lunettes noires et pestent contre les paparazzi. Qu’est-ce qui se passe ici ? Ne devrions-nous pas voir que l’expérience de célébrité n’est pas tout ce qu’on en dit ? Les stars se plaignent que la célébrité « apporte toujours de la solitude ». (Vicki Baum) Mais on ne les laisse pas tranquilles. Billie Jean King dit que lorsqu’on devient célèbre, on se trouve « entouré des parasites les plus vils ». Elle poursuit : « Si vous ne faites pas attention, vous risquez bientôt de devenir un sale type vous-même ».

Le prince Harry dit que « traîner avec [ses] potes » en Afghanistan était le temps le plus heureux de sa vie ? « Le temps le plus heureux de sa vie », c’était dans une zone de guerre ? « C’est très bien pour une fois d’être une personne normale », dit-il. « Ça fait quatre jours que je ne prends pas une vraie douche ». Exactement comme les paysans normaux en Angleterre !

Cependant, étant donné que la célébrité ne dure pas, certains d’entre vous se demandent qui est Billie Jean King ? Même pendant que la célébrité dure, on s’inquiète de devenir un « has-been ». Et, bien sûr, chaque star finira par devenir un « has-been ». Seuls 42 Américains sont devenus président des États-Unis. Tous devinrent célèbres ! De combien d’entre eux pouvez-vous en citer le nom ?

La célébrité n’est jamais à ce qu’on s’y attendait parce qu’on s’imagine qu’être une star est une pure joie ; cependant, on apprend par expérience que c’est plus complexe. Les illusions de célébrité nous échappent et nous laissent affamés. Après avoir remporté le championnat du monde, Muhammad Ali dit : « Je suis le champion du monde. Je ne me sens pas du tout différent ».

Une autre manifestation de l’esprit omniprésent de notre temps est quand un homme (ou une femme) politique fait des promesses en l’air. Lorsque (Warren) Harding était candidat à l’élection présidentielle, il promit à une nation lasse de guerre qu’il allait « restaurer la normalité » ; au lieu de cela, il apporta la corruption politique. (Eh bien, peut-être est-ce le statu quo dysfonctionnel.) (Herbert) Hoover nous promit « un poulet dans chaque casserole » et ce que nous avons reçu était la Grande Dépression. Le slogan politique de Nixon : « L’expérience compte ». Il gagna une victoire écrasante mais démissionna juste avant d’y être obligé. Et Carter ? Il nous promit : « Pas seulement des cacahuètes ! »

Mais nous ne devrions pas être trop durs envers les « gagnants ». Après tout, les « perdants » – s’ils y avaient réussi – n’auraient pas été à la hauteur de nos fantaisies. Mais ayant perdu, ils peuvent jouer le rôle principal des fantaisies qui ne peuvent pas maintenant être mises à l’épreuve.

Il n’y a qu’un seul Sauveur, et il n’est jamais candidat à l’élection. Les utopistes politiques promettent d’apporter le ciel à la terre. Seul le vrai Sauveur apporte les Cieux à la Terre. Lorsqu’on lui demanda s’il était politiquement optimiste ou pessimiste, l’évêque Lesslie Newbigin répliqua ainsi : « Ni l’un ni l’autre. Jésus-Christ est ressuscité des morts ! » Compris ?

Par contraste avec l’Esprit de Vérité, les esprits du moment passent d’une lubie à une autre. Ils sont démodés presque dès leur apparition. L’esprit du début du 20e siècle est aussi étrange pour nous que le sera l’esprit de la fin du 21e siècle. De nos jours, les générations changent de surnom tous les dix ou quinze ans (les Entrepreneurs, les Boomers, etc.). Les étiquettes d’identité changent avec les idées sur ce qui est politiquement correct, qui sont en constante évolution. Homosexuel ? Non. Homophile ? Non. Gay et lesbienne. Non. GLB. Non. GLBT. Non. LGBT. Non. LGBTQ. Non. Queer. Ne faites pas de fautes ou l’on fera du bruit. [J’ai omis trois phrases qui dépendent d’un jeu de mot intraduisible. – Traducteur]

Un autre esprit égocentrique du moment est une mentalité de victime où l’on rend autrui responsable de ses insuffisances, menaçant constamment d’intenter un procès. Je sais qu’un avocat de New York réclame à Delta Airlines des dommages-intérêts de $1.000.000. Il paraît que pendant qu’il voyageait, utilisant ses miles de fidélité, il a du affronter un retard d’avion, un agent bourru et une correspondance ratée. Il appelle cela « l’expérience la plus scandaleuse de ma vie ! » Si c’est vrai, il est bien chanceux. Monsieur, reconnaissez votre exagération irrationnelle, ravisez-vous, et ayez un voyage agréable !

Au début, une mentalité de victime semble nous permettre d’échapper à nos problèmes. Mais cela mène à la frustration, la colère et le désespoir. Si nous ne pouvons pas aborder nos problèmes tant que d’autres gens n’auront pas cessé de nous persécuter, nous nous enlisons dans le bourbier, et nous sommes à leur merci. Et s’ils sont aussi mauvais que nous le prétendons, ils ne cesseront jamais de nous persécuter. Nous sommes coincés.

Comparable à une mentalité de victime est l’esprit de pharisaïsme. Accablés de dissonance cognitive provenant de plusieurs sens de soi en conflit, on cherche la résolution dans l’hypocrisie d’une attitude pharisaïque plutôt que dans l’humilité de la vertu du Christ. Une telle attitude défensive peut donc attribuer le pire à autrui tout en prétendant être elle-même irréprochable. L’attitude pharisaïque avilit, discrédite et détruit les gens. Les tyrans de gauche et de droite – dont Al Sharpton et Lou Sheldon – persécutent pour propager de la propagande et promouvoir leur soi-disant pureté. Mais c’est seulement en avouant honnêtement son propre péché et en reconnaissant avec gratitude la grâce de Dieu pour tous les pécheurs qu’on sera sauvé de l’attitude pharisaïque et apprendra être humble dans ses relations avec autrui. Tant les croyants que les non-croyants ont besoin de chercher un refuge en chantant : « Je laisse mes troubles et mon orgueil / Je me repose dans tes soins, Seigneur / Je sors de moi-même pour vivre dans ton amour / Jésus, je viens à toi. ».

Chose curieuse, de nos jours, un des esprits de pharisaïsme n’est pas généralement considéré comme pharisaïsme. C’est à cause d’un autre esprit de notre temps : l’esprit d’intolérance antichrétienne. Un exemple récent de cet esprit de pharisaïsme est « Jerry Springer : l’Opéra ». Suite à une longue série de représentations à Londres, la pièce est venue au Carnegie Hall.

Satan vient sur scène et veut que Jerry anime un spectacle sur la résolution de conflits où Jésus demande pardon pour l’expulsion de Satan hors du ciel. Jésus est introduit comme « le fils hypocrite du tyran fasciste au ciel » et vient sur scène, gros et efféminé, en couche de bébé, ayant supplié sa petite amie d’avoir des rapports sexuels avec lui tout en faisant semblant d’être son petit « bébé ». Jésus chante : « Je suis Jésus, fils de l’homme, fils de Marie, fils de Dieu. Alors donc, ne me faites pas chier ». Et alors le chœur chante : « Jésus est gay, Jésus est gay ». Eve vient sur scène, cherchant à obtenir des excuses de Jésus à cause de son expulsion d’Éden. Elle met ses doigts dans la couche de bébé de Jésus et caresse ses organes génitaux. Elle et lui en viennent aux mains. Jerry dit à Jésus : « Oublie la crucifixion » et « Merde ! change de disque, hein ? ». Après avoir cité Martin Luther King, Jr., Jerry crie : « Jésus, grandis un peu, pour l’amour de Dieu. … N’avez-vous pas entendu parler de yin et yang ? … L’énergie, c’est la joie pure. Rien n’est mauvais et rien n’est bon ». Il l’affirme : « J’ai appris que le bien et le mal absolus n’existent pas ». Il finit par dire : « Et en conclusion, allez vous faire f—tre. Allez vous faire f—tre tous ». La pièce finit par la chanson des anges hermaphrodites : « L’énergie, c’est la joie pure. Rien n’est mauvais et rien n’est bon. … Jerry eleison, Jerry eleison, Jerry eleison ».

Saisi d’émotion, Ben Brantley, le critique théâtral ouvertement gay du New York Times, commence ainsi sa critique : « Écoutez chanter l’Amérique … d’une façon dont vous ne l’avez jamais entendu auparavant ». Il appelle la pièce « la grande comédie musicale du début du 21e siècle », se glorifie de sa nature « céleste » et s’extasie sur ce qu’il appelle « une œuvre remarquable [avec de la] musique magnifiquement inventive … somptueuse … brillante … grandiose … une satire exceptionnelle d’audace pure ». Il promet qu’elle « a assurément plus d’obscénités par minute que n’importe quelle autre œuvre qui a joué au Carnegie Hall » et se répand en effusions sur « la désinvolte et rieuse impiété du désir puéril de faire reculer les limites de l’acceptable ». Il attend avec impatience le transfert du spectacle à Broadway, mais reconnaît qu’elle ne réussira peut-être pas, car, comme il s’en plaint : « Les clients de Broadway sont fort conservateurs de nos jours. Mais quand même, c’est New York, mes potes, la ville de la diversité électrique ».

Mais quand même, mon pote, votre dévouement à la « diversité » dédaigne les chrétiens. Vous extasieriez-vous sur l’antisémitisme « somptueux », le racisme « brillant » ou l’Islamophobie « céleste » ? Ririez-vous de l’homophobie ?

Un autre chroniqueur du Times, Nicholas Kristof, admet que, bien que « nous les libéraux croyions profondément en tolérance, … nous avons un préjugé défavorable contre les chrétiens évangéliques ». Il avoue que les chrétiens évangéliques « constituent une du petit nombre de minorités dont il est chic de se moquer, sur les deux côtes américaines ou sur les campus universitaires ». Et de l’illustrer : « À un cocktail à New York ou à Los Angeles, peu de gens oseraient faire une remarque péjorative sur la race de Barack Obama ou le sexe de Hillary Clinton. Mais il serait assez acceptable de ridiculiser la foi religieuse de Mike Huckabee* ».

Tandis que l’esprit du moment est hostile à l’Esprit du Christ, il fait la part belle aux « esprits » de substitution. Un des esprits de la spiritualité des consommateurs est « Q-spirit » ou la « spiritualité queer ».

Les animateurs d’un retraite « Q-spirit » le promettent : « Une grande partie de cette exploration sera sans vêtements et interactive. … Expérience préalable non requise. Cependant, on demandera à chaque participant(e) … d’aller en profondeur … et de jouer aux énergies de créativité, d’excitation et d’incarnation ». Mais faire un avec un esprit queer de sexe superficiel n’est que toucher à des parties de corps démembrées. Une prédicatrice LGBT pousse sa congrégation à aller aux foires du sexe à San Francisco pour « draguer, caresser et jouir du voyeurisme ». Elle prétend qu’à ces foires-là, il y a « des sous-entendus et des motifs religieux partout ». (G. Penny Nixon) C’est ça – toute l’imagerie du sexe idolâtre qui nuit davantage encore à ceux qui sont déjà escroqués.
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* Récemment candidat aux élections présidentielles américaines, Mike Huckabee était un ancien pasteur baptiste.

On nous dit que la spiritualité queer veut dire « sortir du placard » et que « sortir du placard veut dire lâcher prise – lâcher la peur, lâcher les restrictions ». Dans le jargon de l’égocentrisme de la psychologie pop : « Personne d’autre que nous-mêmes ne peut nous dire qui nous sommes ». Mais l’esprit queer ne nous dit-il pas qui nous sommes ?

L’esprit queer nous dit : « Sortir du placard implique d’abord de rentrer dans nous-mêmes – de plonger dans les profondeurs de nous-mêmes … de nous guérir nous-mêmes … d’en sortir transformés ». Nous devons « faire un avec le courant … ‘La Force’, en nous mettant dans ses mains. Nous croyons qu’elle sait où nous allons ».

Au lieu d’affronter la peur et la finitude avec réalisme, devons-nous vivre dans le déni ? Au lieu de nous tourner vers le Créateur et Sauveur, on nous dit de regarder dedans, de nous enseigner nous-mêmes qui nous sommes et pouvons devenir, parce que, comme on le répète, « personne d’autre que nous-mêmes peut nous le dire ». Mais ce n’est apparemment pas vrai, parce que c’est « le courant » de l’esprit queer qui nous le dit. Alors, devons-nous nous persuader nous-mêmes de nous reposer sur nos rationalisations, de faire confiance à notre CV et de croire à notre battage médiatique ?

Au lieu d’être guéris par le Grand Médecin et transformés par la grâce de Dieu, on nous dit de nous guérir nous-mêmes et d’en sortir auto-transformés. Au lieu de nous remettre entre les mains du Père affectueux, on nous dit de nous remettre entre les mains d’une « Force » impersonnelle. On nous dit de nous remettre entre « ses mains », parce qu’elle « sait où nous allons ». Comment est-ce que quelque chose d’impersonnel peut savoir où nous allons ? Comment une chose impersonnelle peut-elle savoir où elle va elle-même ? Et comment peut-elle même s’y intéresser ?

Christian de la Huerta, un guru de l’esprit queer, soutient que peu importe qu’un dieu soit réel ou qu’un dogme soit vrai. Bien sûr, il veut qu’on considère son dogme comme vrai. Il maintient que c’est « la qualité de vie » qui compte. Mais un mensonge peut-il apporter de « la qualité de vie » ?

Un site Internet « queer » le proclame : « Ayant été baptiste puis bouddhiste puis disciple de la Déesse divine, je suis maintenant panthéiste avec des tendances athées ; je crois en peu, je révère quand même les Dieux de nos Ancêtres. … Il faut représenter … toutes les religions. … Kwan-yin soit loué, et Pele, et Allah, et Jéhovah, ainsi que tous les autres Dieux. … Soyons spirituellement queer ensemble ! »

Mais Kwan-yin n’est pas un dieu. Et Pele, la déesse hawaïenne de crises de colère, ne partage pas volontiers son piédestal. Le Bouddha avait de la pitié pour tous ceux qui vénéraient des dieux et le dalaï-lama est aussi anti-gay que le Pape. L’Islam exécute les homos et insiste qu’il est impardonnable de répertorier Allah aux côtés d’autres dieux. Donc, ceux qui vénèrent Q-spirit tout en reléguant Allah aux côtés d’autres dieux ont déjà perdu la tête et sont sur le point de la perdre pour de bon.

En prétendant vénérer et respecter tous les dieux, l’esprit queer les déshonore tous et n’en respecte aucun. Voilà la bourde du syncrétisme. C’est une ignorance – ou une arrogance – qui redéfinit tous les dogmes des autres religions pour les faire correspondre à son propre dogme.

Et cette intolérance même, qui se fait passer pour la tolérance, soutient la propagande qui dit que l’évangile est intolérante. Certains considèrent l’affirmation qu’ils « ne peuvent pas parvenir au ciel » sans Jésus comme intolérante. Ils ont en tête le ciel des cartes de vœux, pas n’importe quelle destination vraiment envisagée par une religion du monde – le nirvana, l’oubli, les mémoires de leurs descendants, le paradis au jour de paie, ou un Nouveau Ciel et une Nouvelle Terre.

Les soi-disant « tolérants » se plaignent que Jésus est intolérant quand il dit que personne ne va au Père sans passer par lui. (Jean 14:6) Donc, ils excluent son évangile de leur liste des spiritualités approuvées. Mais, comme le démontre leur propre affirmation, toute affirmation de vérité doit exclure les affirmations de vérité opposées.

N’empêche, comment Jésus peut-il être le chemin menant au Père pour les Hindous? Les Hindous ne veulent pas d’un chemin menant au Père. Ils désirent faire leur chemin à travers des réincarnations et parvenir au nirvana jusqu’à ce qu’ils auront épuisé leurs mérites. Et comment Jésus peut-il être le chemin menant au Père pour les bouddhistes ? Les bouddhistes ne veulent pas d’un chemin menant au Père. Ils désirent méditer leur chemin au-delà de tout désir. Et comment Jésus peut-il être le chemin menant au Père pour les juifs ? Les juifs ne veulent pas d’un chemin menant au « Père » qui ait un quelconque rapport avec celui qui affirma faire un avec le Père ! Les juifs considèrent cela comme irrévérencieux ou non pertinent. Et comment Jésus peut-il être le chemin menant au Père pour les musulmans ? Les musulmanes ne veulent pas d’un chemin menant au Père. Ils sont offensés par l’intimité impliquée par le concept de Dieu comme Père. (Surah 5:18) Et comment Jésus peut-il être le chemin menant au Père pour les athées ? Les athées ne veulent pas d’un chemin menant au Père. Ils affirment que le Père n’existe pas. Alors, qui est-ce que les critiques ont en tête en dédaignant la soi-disant « intolérance » de Jésus qui dit que personne ne vient au Père que par lui ?

Mais pour tous ceux qui veulent vraiment venir au Père – pour tous ceux qui ont faim et soif de vraie justice – Jésus qu’a-t-il d’autre ?

À propos du jugement dernier, Jésus dit qu’il dira à ses brebis à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis par mon Père ! » Il se rappellera qu’ils auront pourvu à ses besoins. Eux, ils ne comprendront pas et lui demanderont : « Quand avons-nous fait cela ? » Il leur expliquera : « chaque fois que vous avez fait cela au plus petit de mes frères que voici, c’est à moi-même que vous l’avez fait ». (Matt 25:34-40)

Donc, voilà la façon dont personne ne va au Père que par Jésus ? Eh bien, quand Lui qui fait un avec le Père est présent avec les plus petits, le Père n’est-il présent, lui aussi ? Qui, sauf ceux qui connaissent vraiment l’amour libérant de Dieu en Christ, sont assez libres pour se donner à des actes d’amour aux plus petits d’entre eux ?

Jésus dira alors aux boucs à sa gauche : « Retirez-vous loin de moi. Je ne vous connais pas ». Eux aussi ne comprendront pas et seront furieux : « Mais, Seigneur, n’avons-nous pas mené toutes sortes de ministères à ton nom ? » Tragédie pour eux, ils n’avaient pas compris la signification d’un ministère à son nom. Ils ne s’approchèrent jamais assez près des plus petits d’entre eux pour s’approcher de Jésus. Donc, puisqu’ils ne s’étaient jamais approchés de celui qui est le plus proche du cœur du Père, ils ne sont jamais venus au Père qui était présent avec le Fils qui était lui-même toujours présent avec les plus petits d’entre eux. (Matt 25:41-43)

Les spirituellement malades – tant les pratiquants que les non-pratiquants – avalent de fausses spiritualités sans y réfléchir. Ils le font parce qu’ils ne mettent jamais en doute les stéréotypes qu’ils ont pris pour la bonne nouvelle de la grâce de Dieu en Christ. Ce faisant, ils restent malades, blessés et en colère. Mais ils ne sont pas forcés de rester ainsi. S’ils arrêtaient de se faire obstacle à eux-mêmes, renonçaient aux faux évangiles, et examinaient de près la vraie Bonne Nouvelle – la cherchant de fond en comble – ils se rendraient compte qu’ils sont trouvés.

Comme l’indique un érudit orthodoxe oriental : « Le christianisme affirme que Dieu n’est pas ce que vous croyez, que le pouvoir divin n’est pas ce que vous attendez ». (John Garvey)

Et à tous ceux qui sont séduits par le syncrétisme, il dit que le christianisme l’enseigne : « En Christ – tout ce qui est humain et vrai, où que se trouve la vérité, s’épanouit d’une façon qui ne peut être trouvée nulle part ailleurs ». Il admet que cela pourrait nous mettre mal à l’aise, mais « c’était une affirmation scandaleuse dès le début, [et il dit qu’il] est indispensable que nous l’affirmions ».

Mais les chrétiens ne se sont pas toujours efforcés d’entendre et de comprendre les victimes de ceux qui sont excessivement religieux et des moralisateurs homophobes. Lorsque les chrétiens se font jeter dehors par leur église ou sont obligés de partir à cause de la mesquinerie de certains qui n’acceptent pas leur orientation sexuelle, ils partent comme des amants méprisés, souffrants à cause de leur amour non réciproque pour Dieu. Et, comme c’est normal dans le cas d’amour non réciproque, ils seront vulnérables à la séduction des faux esprits.

Les chrétiens évangéliques constituent le plus grand groupe religieux en Amérique. Nombreux sont ceux qui, ayant grandi dans ce groupe, doivent faire face à l’ignorance et à l’hostilité à cause d’une orientation sexuelle non choisie. Peut-être feront-ils alors ce que font 44 pour cent des protestants : changer d’église ou la quitter pour de bon. Est-ce que nous allons les accueillir, nous les membres d’EC, plus chaleureusement que leur famille, leur église et les groupes où l’Évangile est marginalisé sinon nié ? Si nous ne leur offrons que des idées en accord avec les tendances du moment, ce que nous leur offrons est pire que rien. Si nous les dirigeons vers le Christ, nous leur offrons l’eau de la Vie. Et Jésus versera des larmes comme il le fit en ressuscitant un autre ami des morts qui lui était cher. (Jean 11:35)

Au lieu de suivre l’esprit du moment, pouvons-nous, les membres d’EC, répondre à l’appel du Christ d’être ses témoins, dans son Esprit, « jusqu’au bout du monde ». (Actes 1:8) Jésus envoya ses disciples « jusqu’au bout du monde », ce qui, un jour, comprendrait Capitol Hill à Seattle, Hillcrest à San Diego, Oak Lawn à Dallas, The Short North à Columbus, Chelsea à New York* et partout ailleurs où le fait qu’Il est Seigneur n’ait pas encore entendu. Qui peut de façon crédible tendre la main aux amis LGBT non chrétiens mieux que nous, partageant avec eux l’amour du Christ qu’ils ne connaissent pas encore ?

Mais nous n’osons pas présumer que Dieu, étonnamment miséricordieux, ne se révèle pas Lui-même, même en ce moment, par des moyens hors de notre création.
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* Ce sont tous des quartiers gay.

Paul dit que le Dieu d’Israël se révélait Lui-même à ceux que les juifs considéraient comme « sales ». Il vit des païens qui rendaient un culte au vrai Dieu – mais de façon incomplète. Et même de nos jours, on entend dire que le Christ ressuscité apparaît à, par exemple, un juif laïc, professeur à l’école de commerce du Harvard University, comme il se promène dans le bois de Cape Cod – ou à un paysan alors qu’il laboure son champ bien loin d’un quelconque témoignage chrétien traditionnel. Ils sont envahis par une conscience d’Amour infini, mêlés à un rêve, à une vision, ou à une pensée profonde. Lorsqu’ils entendent enfin un chrétien parler du Christ, ils reconnaissent celui qu’ils ont déjà rencontré, et sont impatients d’entendre plus afin de mieux le connaître et mieux le servir.

Selon un théologien évangélique : « Ce que nous devons garder est la conviction chrétienne que tout le monde a besoin du salut et que le salut ne vient que par le travail de Jésus-Christ. Cependant, la manière dont ce travail est appliqué par Dieu à chaque personne » est une toute autre affaire. (John G. Stackhouse, Jr.) Il pose cette question : « Cela signifie-t-il que d’autres religions sont salvifiques (c’est-à-dire, source du salut) ? Certainement pas. Aucune religion n’est salvifique : ni l’hindouisme, ni le shintoisme, ni l’Islam, pas plus que le christianisme. C’est Dieu qui est salvifique. La pratique religieuse, aussi correcte soit-elle et aussi parfaitement que l’on la suive, ne vous sauvera pas. C’est là une conviction chrétienne fondamentale. C’est de faire confiance à Dieu pour vous sauver – voilà une autre conviction chrétienne fondamentale. … Rencontrer l’Esprit de Dieu et répondre à Lui par la foi dans cette rencontre est ce qui importe au bout du compte ». Et d’ajouter : « Au bout du compte, les moyens dont dispose Dieu pour rencontrer les gens, quelle que soit leur théologie, quelles que soient les circonstances, nous sont inconnus ».

Dans le dernier livre de ses Chroniques de Narnia, Lewis donne voix à la bonne nouvelle de façon littéraire. Aslan le lion est l’image du Christ. Tash est un mauvais esprit. Certains prétendent que Tash et Aslan ne sont qu’une seule et même personne qu’ils appellent ‘Tashlan’.

Un personnage nommé Emeth affirme avoir toujours été « le serviteur de Tash ... mais le nom d’Aslan m’était odieux ». À la recherche de Tash, Emeth se trouve « appelé » à une masure au toit de chaume. Dès qu’il franchit la porte, il regarde autour de lui et, au lieu de l’obscurité, voit du soleil et « la vaste campagne » et sent « la douceur de l’air ». Il se croit arrivé enfin « dans le pays de Tash ». Mais alors, « un énorme lion » vient à sa rencontre. Comme l’indique Emeth : « le Tout-Glorieux inclina vers moi sa tête d’or, toucha mon front avec sa langue et me dit : ‘Tu es le bienvenu, mon fils’. Je lui répondis ‘Hélas, seigneur, je ne suis pas un de tes fils, mais le serviteur de Tash’. Il répliqua : ‘Mon enfant, tout le culte que tu as rendu à Tash, je le compte comme un culte qui m’a été rendu à moi’ ». Et Emeth d’indiquer : « Je surmontai ma crainte pour questionner le Tout-Glorieux : ‘Seigneur, est-il donc vrai que, ... toi et Tash n’êtes qu’une seule et même personne ?’ Le Lion grogna si fort que la terre trembla (mais sa colère n’était pas dirigée contre moi) : ‘C’est faux. Non parce que lui et moi ne sommes qu’un, mais parce que nous sommes opposés, je prends pour moi le culte que tu lui as rendu. Car lui et moi sommes d’une espèce si différente qu’aucun culte qui soit vil ne saurait m’être rendu, et qu’aucun culte qui ne soit pas vil ne peut lui être rendu’ ». Emeth l’interrompt : « Pourtant, j’ai passé tous les jours de ma vie à chercher Tash’. ‘Mon bien-aimé, me dit le Tout-Glorieux, si ton désir n’avait pas été pour moi, tu n’aurais pas cherché si longtemps ni avec une telle sincérité. Car tous finissent par trouver ce qu’ils cherchent vraiment’ ».

Jésus, le bon Berger, dit qu’il avait « encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos », bien connu de ses auditeurs. Il promit qu’un jour, « il n’y aurait plus qu’un seul troupeau avec un seul berger ». (Jean 10:16) Il accusa les moralisateurs de refuser d’être de vrais gardiens de la révélation de son Père. Il leur fit remarquer que les percepteurs et les prostituées qu’ils méprisaient entreraient dans le royaume de Dieu avant eux. Ceux qu’ils considéraient comme des « moins que rien » n’étaient pas de « moins que rien » pour lui.

Bien avant cela, Osée annonça la promesse du Seigneur à tous ceux qui étaient éloignés : « Je dirai à Moins-que-rien : ‘Tu es mon cher Quelqu’un’, et lui me répondra : « Tu es mon Dieu ». (Osée 2:23, The Message) David prononça la parole du Seigneur : « Je proclame l’Égypte et Babylone parmi ceux qui me connaissent ; Voici, le pays des Philistins, Tyr, avec l’Éthiopie : C’est dans Sion qu’ils sont nés ». (Ps 87:4) Pierre fut choqué de se rendre compte que « tout homme qui révère Dieu et qui fait ce qui est juste lui est agréable ». (Actes 10:35) Paul dit à des anciens païens : « Car c’est en lui que Dieu a désiré que toute plénitude ait sa demeure. Et c’est par lui qu’il a voulu réconcilier avec lui-même l’univers tout entier : ce qui est sur la terre et ce qui est au ciel, en instaurant la paix par le sang que son Fils a versé sur la croix ». (Col 1:19-20)

Il ne s’agit ni de syncrétisme New Age, ni de doctrine pratiquement dénuée de tout sens. Il ne s’agit pas de sentimentalité œcuménique qui, selon une analyse critique par un professeur d’études juives à Harvard, fait semblant que c’est à peine plus significatif que « la différence … entre deux prononciations du mot ‘tomato’ [‘tomayto’ et ‘tomahto’*] » (Jon Levenson) Il s’agit de la Bonne Nouvelle que les premiers chrétiens exprimèrent comme suit : « Dieu était en Christ, réconciliant les hommes avec lui-même ». (2 Cor 5:19) Connaissez-vous une bonne nouvelle qui est meilleure que cela ? Si non, faites passer cette bonne nouvelle.

Examinant une nouvelle encyclique papale sans trouver rien de neuf, rien de socialement controversé, un journaliste du London Daily Telegraph marmonna à son collègue : « Rien de neuf là-dedans. Il n’est question que de Dieu ». (Christopher Howse)

« Rien de neuf là-dedans » ? « Il n’est question que de Dieu » ? Il n’est pas question de nous et de nos priorités ? Écoutez : La meilleure nouvelle que le monde a jamais reçue est qu’il n’est question que de Dieu et pas de nous. Et comme il n’est question que de Dieu, il n’est question que de l’Amour Souverain. Et c’est donc une bonne nouvelle pour nous. C’est la nouvelle que nous ne pouvons ni inventer ni accomplir seuls. C’est la nouvelle de ce que Dieu fit en Christ qui, sur la croix, déclara la victoire sur le péché et la mort : « Accompli ! »
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* En anglais américain, on peut prononcer le mot ‘tomato’ de deux façons, prétendument selon la classe sociale.

Ceux qui se moquent du Christ de nos jours sont aussi égocentriques et aveuglés que l’étaient ceux qui se moquèrent du Christ sur la croix. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Prisonniers de préjugés et de prédispositions, ils font des affirmations pieuses et se plient aux exigences politiques. Empoisonnés par l’orgueil, ils attachent trop d’importance à la prospérité et à la popularité.

Jésus prie pour eux comme il pria pour ceux qui se moquèrent de lui devant sa croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Et aujourd’hui quelqu’un commence à voir : « un Homme sur la croix / Mon péché sur ses épaules / Honteux, j’entends ma voix narquoise / Crier parmi les moqueurs ». (Stuart Townend) Et aujourd’hui quelqu’un commence à prier : « Pardonne-moi – je commence à voir ce que j’ai fait, ce que je fais, et ce que tu as fait pour moi ».

L’écrivain Anne Lamott se souvient du jour où elle entra par hasard dans une église afro-américaine. À l’époque, elle était encore en proie à l’alcoolisme. « Je n’avais pas l’intention d’aller à l’église. J’y suis entrée, parce que je ne savais pas quoi faire d’autre ». Elle affirme qu’elle pense que c’est là « où la spiritualité commence vraiment ». Elle a raison.

Quand nous « en aurons marre » de notre hypocrisie, de nos illusions de grandeur et de notre susceptibilité contre-productive, et quand nous en aurons marre des faux esprits du moment – nous serons prêts à nous reposer, unis dans l’Esprit de Dieu en Christ.

Que nous nous consacrions à l’abstinence sexuelle ou à un partenaire de même sexe, c’est seulement en Christ que nous faisons vraiment un, car Lui seul versa son sang pour nous, et nous sommes vivants à cause de sa justice à Lui, non de la nôtre ni de celle d’aucun d’autre. Paul constate que les chrétiens sincères ont des avis différents sur de nombreuses questions – même sur les deux signes de loyauté-alliance, à savoir : respecter le sabbat et manger casher. Mais, comme il le dit, chaque personne doit être convaincu dans son propre esprit sans condamner ceux qui ne sont pas d’accord. Paul affirme que nous devons nous accueillir les uns les autres sans essayer de résoudre les questions contestées, et la majorité ne doit pas imposer son avis à la minorité. Il pousse les chrétiens à faire tous les efforts possibles pour vivre en paix les uns avec les autres, gardant entre eux et Dieu tout ce qui peut semer la discorde, et pour se rappeler que chacun d’entre eux est responsable devant Dieu seul. (Cf. Rom 14)

Jésus pria pour nous et pour tous ceux qui croiraient après que nous aurons partagé la Bonne Nouvelle avec eux : « Je te demande qu’ils soient tous un. Comme toi, Père, tu es en moi et comme moi je suis en toi … qu’ils soient parfaitement un et qu’ainsi le monde puisse reconnaître que c’est toi qui m’as envoyé et que tu les aimes comme tu m’aimes ! » (Jean 17:20-23)

Tout cet amour prend sa source dans l’Amour qui est dans le Cœur de la Trinité éternelle. Voilà, la nuit où il fut livré, Jésus donna à ses disciples un commandement nouveau – une nouvelle invitation – de ne plus aimer comme nous nous aimons nous-mêmes, mais « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Dit-il : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples ». (Jean 13:34-35)

On a constaté qu’épouser l’esprit de son temps, c’est devenir veuf trop tôt. Comme on dit aujourd’hui : l’esprit du moment dépasse vite « sa date de péremption ». Cette expression banale, elle aussi, dépassera bientôt « sa date de péremption » – démontrant le caractère éphémère de chaque esprit du moment. Mais faire un avec l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu qui est tout autre, c’est faire un avec l’Esprit de l’Amour Transcendant. Et voilà la Vie Éternelle de l’Épouse du Christ, un dans les Prières Exaucées du Sauveur d’un monde transformé en un Nouveau Ciel et une Nouvelle Terre.

© 2008 Ralph Blair, tous droits réservés. (Traduction : F.W.)