vendredi 25 septembre 2009

2008 Festival de Prédication #3

Jean 14:25-31 « Le Shalom singulier »
par le Dr Ralph Blair

« Je vous dis tout cela pendant que je suis encore avec vous. Mais le Défenseur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit moi-même.

« Je pars, mais je vous laisse la paix, c’est ma paix que je vous donne. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne.

« Ne soyez pas inquiets, ne soyez pas craintifs. Vous m’avez entendu dire que je pars, mais aussi que je reviendrai auprès de vous. Si vous m’aimiez, vous seriez heureux de savoir que je vais au Père, car le Père est plus grand que moi.

« Je vous ai prévenus dès maintenant, avant que ces choses arrivent, pour qu’au jour où elles se produiront, vous croyiez. Désormais, je n’aurai plus guère l’occasion de m’entretenir avec vous, car le dominateur de ce monde vient. Ce n’est pas qu’il ait une prise sur moi, mais il faut que les hommes de ce monde reconnaissent que j’aime le Père et que j’agis conformément à ce qu’il m’a ordonné.

« Levez-vous; partons d’ici ».

Jean et les autres Evangélistes ne cachent pas le fait que les disciples de Jésus ne comprenaient pas toujours beaucoup de ce qu’il disait. Et bien que ces derniers aient été aimés et respectés quand les évangiles furent écrits, les Evangélistes ne les dépeignent pas comme de jolis saints en plastique.

Ce fait de la Bonne Nouvelle est lui-même une bonne nouvelle. C’est une indication que les auteurs ne cherchent pas à blanchir ce qui se passa. Il n’est pas dans notre nature déchue de nous présenter, nous et notre ‘cause’, sans le faire sous un jour favorable. Mais bien que la Bonne Nouvelle soit elle-même une interprétation, elle sonne vrai.

Jean nous dit que, à la fin de son discours de la Pâque juive, Jésus a dit tout ce qu’il est venu dire. Et il promet à ses disciples qu’ils n’auront pas à se creuser la tête pour se rappeler tout ce qu’il a dit. Ils auraient de l’aide pour se rappeler et comprendre ce qu’il a dit. Ils auraient l’aide du Saint-Esprit.

« Le Défenseur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit moi-même ».

Quelle promesse ! L’ont-ils comprise ? Non, pas encore. La promesse ne s’était pas encore réalisée. Ce n’était qu’au moment où le Père a envoyé l’Esprit au nom de Jésus que les disciples ont commencé à apprendre comme jamais auparavant tout ce qui s’était passé jusque-là.

Qui est ce Défenseur, le Saint-Esprit ? Le mot grec qu’emploie Jean, paraklatos, est passif et signifie ‘appelé aux côtés de’. Le Père appelle le Saint-Esprit à être aux côtés du chrétien, à peu près comme dans les tribunaux grecs, où un défenseur était nommé pour être aux côtés de l’accusé et pour faire tout son possible pour l’aider dans sa défense. Celui-là, un genre d’assistance juridique, ressemblait plus à comme un amicus curiae (un ‘ami au tribunal’) qu’à un avocat ‘professionnel’, comme nous les connaissons. Donc, les érudits nomment le Défenseur que le Père envoie au nom de Jésus « l’Ami au tribunal » (Leon Morris) ou « un autre qui vous prend sous son aile » (Ronald Knox) ou simplement « l’Ami » (C. K. Williams). Tous sommes d’accord : « Une seule traduction ne rend pas la complexité des fonctions [de l’Esprit] », par exemple, prendre le chrétien sous son aile, l’aider et le guider, témoigner de la vérité du Christ, et amener le monde à se repentir ». (R. E. Brown) Rassemblant tous ces thèmes, on le nomme « le Paraclet ».

A. M. Hunter d’Aberdeen, spécialiste du Nouveau Testament, l’exprime très bien. Quant à la déclaration de Jésus que le Paraclet « demeure auprès de vous et est en vous », Hunter affirme : « Il vient en tant que l’autre moi de Jésus, non pas tant pour le remplacer en son absence, mais pour confirmer sa présence. … Pendant l’Incarnation l’Esprit était avec les gens en Christ; depuis lors, le Christ a été dans les gens par l’Esprit ». En effet, dans la première épitre de Jean, ce dernier se réfère à Jésus comme notre défenseur quand il dit : « Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le juste ». (1 Jean 2:1)

« Je vous laisse la paix, c’est ma paix que je vous donne. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne ».

Le mot que Jésus a employé ici – traduit comme ‘paix’ – était le mot qu’employaient quotidiennement les Juifs pour saluer l’un l’autre à l’arrivée et au départ. En hébreu, c’est shalom. C’est un souhait que tout aille bien pour quelqu’un. Et comme c’est le cas pour nos propres salutations quotidiennes, c’était parfois plutôt superficiel. Et pourtant, c’était plus positif que l’idée typique de ‘la paix’ en grec. Pour l’esprit grec, comme pour le nôtre, ‘la paix’ a tendance de porter plus sur une absence de conflit plutôt que sur un état béni de bien-être – comme c’est le cas pour shalom. En fait, dire shalom à l’arrivée et au départ faisait toujours allusion aux bénédictions de Yahvé.

Mais ici, comme Jésus est sur l’article de la mort, une mort atroce qui sera la mort de la mort elle-même, et qui sera suivie de sa résurrection, il bénit ses disciples avec shalom, ce qui n’est pas de salutation ordinaire. Sa paix est, en effet, sa paix – à lui seulement. Lui seul peut donner sa paix. Le système de ce monde n’en a pas à donner.

En plus de toutes les notions fausses de l’amour, il y a toutes les notions fausses de la paix. Et un des faits qui dévoile la fausseté et la futilité de ces notions est le fait que ce monde est un monde déchu. Et ses notions sur l’amour et sur la paix sont tout aussi fausses. Les notions de ce monde sur l’amour et sur la paix ne tiennent pas compte de notre nature déchue. Donc, même si nous nous efforçons de surmonter notre nature déchue et essayons de répondre au fait d’avoir été créés à l’image de Dieu, nous échouons.

Et cela vaut pour les chrétiens aussi. Comme Thielicke nous le rappelle dans son livre sur ce qui ne va pas avec l’Eglise : « Tout ce que nous faisons a besoin du pardon, même nos actes au nom de l’ordre et de la structure du monde ». Tous nos actes au nom de ‘l’amour’ et de ‘la paix’ ont besoin du pardon – car toute motivation est complexe. Et tout ce que certains font au nom de « la sainteté du mariage » ou de « l’égalité du mariage », au nom de la « loi naturelle » ou des « droits LGBT », a besoin du pardon – car toute motivation est complexe.

Seules les motivations du Christ ne sont pas complexes. Seul l’amour du Christ est vrai. Et seule la paix du Christ est pure. Ce n’est vraiment comme nulle autre paix, Dieu merci !

Hoppe et Burger avaient déjà bien des pièces de la paix qu’a ce monde à nous offrir. Et puis, ils connurent la paix du Christ. Ainsi, ils savaient qu’il n’y avait pas de comparaison possible. Ils savaient que la paix du Christ ne ressemblait à aucune des pièces qu’ils en avaient jamais connues dans le système de ce monde. Et ils avaient eu plus que leur part de ce que le système de ce monde avait à leur offrir. Mais lorsque, dans cette année que Hoppe appelait « Cette Année de la Grâce », ils ont trouvé la paix du Christ – quand ils se sont laissés emporter par la paix du Christ – ils étaient transportés du plus profond effroi et du plus profond désespoir à une paix même plus profonde et à l’espoir de la résurrection. [Robert Hoppe était un célèbre artiste new-yorkais qui, avec son partenaire Robert Burger, assistait aux études bibliques qu’anime le Dr Blair depuis 1975. En octobre 2008, au Festival de Prédication d’EC, on écoutait une cassette, enregistrée en 1989, où Hoppe racontait son histoire émouvante et parlait de sa foi en Christ et celle de son partenaire. Les deux sont morts de SIDA peu après l’enregistrement de cette cassette. – Traducteur]

Alors, comme Jésus nous bénit avec sa paix, son shalom qui donne la vie, il ajoute :

« Ne soyez pas inquiets, ne soyez pas craintifs ».

Encore une fois, voici ce rappel de ne pas craindre. Et, encore une fois, c’est lié avec la raison pour laquelle les disciples n’ont pas besoin de craindre. Ils sont donnés le shalom même de Jésus !

Jésus leur dit aussi de ne pas être craintifs. C’est la seule apparition du mot deilato, ‘craintif’, dans le Nouveau Testament. On pourrait rendre cette admonestation ainsi : « Ne soyez pas lâches. Soyez courageux. » Et comme toujours, cet impératif biblique est soutenu par l’indicatif. Ce qui est demandé est lié avec ce qui est. Nous avons été donnés la bénédiction de la paix du Christ lui-même. Donc, dans sa paix, comment pouvons-nous être inquiets ? Comment pouvons-nous être craintifs ?

Avec cela en tête, Jésus revient au thème de son départ imminent – un thème qui avait inquiété les disciples.

« Vous m’avez entendu dire que je pars, mais aussi que je reviendrai auprès de vous. Si vous m’aimiez, vous seriez heureux de savoir que je vais au Père ».

A moins que l’on ne connaisse quelqu’un, peut-on vraiment l’aimer ? Bien sûr, on peut chercher à garantir le bien-être d’une personne abstraite. Et cela peut être une expression de l’amour. Sachant comment vous voudriez être traité, vous pouvez extrapoler comment quelqu’un d’autre pourrait vouloir être traité. Et voilà la vocation d’amour dans la Règle d’or. Mais il y a également un amour plus scrupuleusement informé dont nous pouvons faire preuve envers quelqu’un que nous connaissons intimement.

Ce que Jésus dit à ces disciples, c’est que s’ils le connaissaient vraiment comme il voulait être connu, ils pourraient l’aimer comme il l’est vraiment. Et ils sauraient que son profond désir c’était de retourner à son Père. Puis, entendant de son retour à son Père, ils s’en réjouiraient. Alors, cet amour leur permettrait d’être contents que sa volonté, non la leur, soit faite.

Mais il leur fait part de ce qui se passe vraiment et de comment sa volonté et la leur sont toutes les deux en train d’être réalisées.

Comment cela ? En voulant que la volonté du Père soit faite. La volonté du Père est le mieux pour tout le monde. Le Père a raison. Et le Père veut ce qu’il y a de mieux, et l’accomplit. Pour souligner le sens de cela, Jésus dit à ces disciples :

« Le Père est plus grand que moi ».

Or, les disciples, comme vous le savez, avaient la plus haute estime pour Jésus. Ils avaient abandonné leurs moyens d’existence et leurs familles pour le suivre. Mais, en bons Juifs, il n’aurait pas été étrange de l’entendre dire : « Le Père est plus grand que moi ».

Mais cela peut nous sembler étrange. Pour des chrétiens fervents qui révèrent la Trinité, cela semble dire que Jésus ne fait pas vraiment partie de la Trinité. Et pour des sceptiques fervents qui se moquent de la Trinité, cela semble dire que Jésus ne fait pas vraiment partie de la Trinité. De quoi s’agit-il vraiment ?

La joie du sceptique et l’angoisse du chrétien sont sans fondement, et peuvent être enterrés avec un peu de perspicacité biblique. Voilà ce que les plus grands esprits du monde consacraient beaucoup d’efforts à clarifier il y a bien des siècles.

Pour commencer, il serait utile si tout le monde arrêtait de citer les textes hors contexte.

Deuxièmement, il faut comprendre que cet Evangile célèbre la plus haute christologie. Jean commence cet Evangile par affirmer : « Au commencement était celui qui est la Parole de Dieu. Il était avec Dieu, il était lui-même Dieu. Au commencement, il était avec Dieu. Tout a été créé par lui ; rien de ce qui a été créé n’a été créé sans lui. … Celui qui est la Parole est devenu homme et il a vécu parmi nous. Nous avons contemplé sa gloire, la gloire du Fils unique envoyé par son Père : plénitude de grâce et de vérité ! »

Troisièmement, dans tout l’Evangile, Jésus s’identifie à son Père d’une façon qu’aucun juif n’oserait jamais le faire. Et bien sûr, en le faisant, il provoqua la censure des chefs religieux. (Cf., e.g. 5:16-18, 10:30, 20:28, etc.)
Quatrièmement, dans tout l’Evangile, Jésus montre l’obéissance à la volonté de ce même Père. (Cf., e.g. 4:34, 5:19-30, 8:29, etc.)

Et alors, de quoi s’agit-il vraiment ?

Eh bien, Jésus affirme qu’il revient à celui qui l’envoya en premier lieu. Il n’est en aucun cas étrange de dire que l’envoyeur est ‘plus grand’ que celui qui fut envoyé.

Et l’attention de Jésus n’est pas centrée sur l’ontologie, l’étude philosophique de l’être. Pour ces hommes-là, cela aurait été une exotique perte de temps. Ces disciples perplexes et anxieux étaient-ils vraiment prêts pour un débat anachronique sur les points les plus subtils de la théologie trinitaire ? Pas vraiment. Mais ils étaient en effet prêts à entendre que, tout chaotiques que semblent les choses, leur Maître allait au Père, le Tout-Puissant, dont le règne s’étend sur tout.

Qui plus est, le Fils incarné parle ici d’homme à homme. Donc, en se référant au Père, ne devrait-il pas accorder que le Père est plus grand que lui-même ?

Nous sommes parmi ceux en qui le Saint-Esprit demeure comme promis, contrairement aux premiers disciples au moment où ils écoutaient Jésus donner ce discours. Donc, quand nous lisons que Jésus dit : « Le Père est plus grand que moi », qui sommes-nous pour ne pas prier que la volonté de notre Père soit faite ? Pour qui prenons-nous quand nous avons tellement confiance en nos propres compréhensions mesquines de ce qu’il en est, de ce qui est bien ou mal, vrai ou faux, et de toutes les autres choses dont nous parlons dans nos discussions et même dans nos études bibliques ? Si le Père est plus grand que le Fils, nous qui voudrions être les disciples du Fils ne pouvons donc pas faire moins que lui.

« Je vous ai prévenus dès maintenant, avant que ces choses arrivent, pour qu’au jour où elles se produiront, vous croyiez ».

Or remarquez : Jésus ne gaspille pas sa salive pour titiller une vaine curiosité, et Jean n’écrit pas cela pour chatouiller les orteils que l’on trempe avec indifférence dans l’eau vive non plus. Comme Jean le révèle vers la fin de son discours, il écrit « pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant, vous possédiez la vie en son nom ». (20:31) Et ici, Jésus dit qu’il les a prévenus avant que ces choses arrivent, pour qu’au jour où elles se produiront, ils croient.

Il les a prévenus de quoi, avant que quoi arrive ? Ce qu’il leur dit et ce qu’il arrivera est tout ce que nous l’entendirent dans ce dernier discours. Et il leur dit pour qu’ils croient. Croire quoi ? Croire qu’il était exactement celui qu’il affirmait être. Et il dit qu’il y a peu de temps : « Je vous le dis dès maintenant, avant que cela ne se produise, pour qu’au moment où cela arrivera, vous croyiez que moi, je suis ». (13:19)

Les ennuis allaient venir. C’était bien évident. Il les a prévus et y a avancé, fermement décidé à réaliser le but pour lequel il était venu. Mais il voulait qu’ils sachent qu’à travers tout cela, il avait été le Fils obéissant de son Père, pour eux. Il voulait qu’ils sachent qu’aussi noirs que soient les prochains jours, la chose importante qui allait tout changer serait la grâce même de Dieu dans et à travers Golgotha jusqu’à la matinée glorieuse dans le Tombeau du jardin.

« Désormais, je n’aurai plus guère l’occasion de m’entretenir avec vous, car le dominateur de ce monde vient. Ce n’est pas qu’il ait une prise sur moi … ».

Nous sommes maintenant arrivés au moment où Jésus doit quitter le repas de la Pâque juive et conduire ses disciples dehors dans le jardin sombre de Gethsémani où il ne rencontrerait pas simplement un Judas ou de prêtres et de gardiens du temple, mais le Mal, lui-même. Le prince de la méchanceté systémique de ce monde est impatient de vaincre Jésus. Mais Jésus dit que celui-là n’aura aucun moyen de l’attraper. Comment cela ? Le Mal attrape les pécheurs au moyen du péché du pharisaïsme. Mais le seul péché qu’apporta Jésus à Gethsémani et à Golgotha était à moi et à vous. Donc, la haine avec laquelle Satan rencontra le Sauveur à Gethsémani a été contrée par l’amour, et Satan n’avait aucun moyen de vaincre l’amour. Comme Jésus, le bon berger, avait dit un peu plus tôt dans l’Evangile de Jean : « Je donne ma vie pour les brebis. J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène … Personne ne m’enlève la vie ; mais je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père ». (10:15-16, 18)

Et alors là, dans la pièce du haut, Jésus dit encore une fois :

« … il faut que les hommes de ce monde reconnaissent que j’aime le Père et que j’agis conformément à ce qu’il m’a ordonné ».

Et maintenant il se dirige vers le jardin pour prier à son Père, pour s’assurer que la preuve terrible des prochaines heures est bien la volonté du Père. Si oui, « qu’il arrive non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux ».

Et alors, en tant qu’agneau Pascal de Dieu, il se lève, se tourne vers les disciples et dit :

« Levez-vous ; partons d’ici ».

Aucun commentaire: